Irak: trente ans plus tard
Le récent voyage du pape François en Irak a remis sur le devant de la scène ce pays et sa situation. Il y a vingt ans déjà, en 2001, les États-Unis dénonçaient l’Irak de Saddam Hussein comme faisant partie de « l’axe du mal » qui devait être annihilé. Humiliés par les attentats de septembre, les États-Unis se cherchaient un adversaire à combattre et à vaincre. Depuis l’intervention de 1991, il y a trente ans cette année, l’Irak était dans le collimateur de Washington. En 2001, Saddam Hussein sauva sa tête, les troupes américaines partant vers l’Afghanistan, où elles connurent l’amertume de l’enlisement.
Vingt ans plus tard, la situation à Kaboul et dans le reste du pays n’est guère meilleure que celle qu’elle était alors. Pour Saddam Hussein et son régime, le répit ne fut que de courte durée. En 2003, après avoir tenté de convaincre que l’Irak disposait d’armes de destructions massives, les États-Unis bombardaient le pays et tentaient de faire un regime change qui est très loin d’avoir porté ses promesses. L’Irak détruit s’enlisa dans le chaos, et avec lui le reste du Moyen-Orient. Puis ce furent les printemps arabes de 2011, il y a dix ans, l’émergence de l’État islamique, composé en partie de cadres sunnites de l’armée de Saddam Hussein, et l’expansion du djihad vers le nord de l’Afrique, puis le Sahel et dorénavant le golfe de Guinée et l’Afrique de l’Ouest.
Un nouveau monde, ancré dans l’ancien monde
Trente ans après la guerre du Golfe, l’histoire a à la fois beaucoup avancé et en même temps stagné. Avancé, car le Moyen-Orient n’est plus tout à fait le même. La question palestinienne est moins prégnante. Les accords d’Abraham entre les Émirats arabes unis et Israël ont réglé une partie des problèmes et, surtout, les générations ont changé. Le facteur temps est essentiel en géopolitique, et hélas pas assez pris en compte. Une génération, c’est environ 25 ans. Depuis 1991, c’est près de deux générations qui sont passées, ce qui est à la fois peu et considérable. Les dignitaires irakiens qui ont 40 ans aujourd’hui avaient dix ans à l’époque de la première guerre du Golfe, c’est-à-dire une éternité pour eux et presque un autre monde. Beaucoup de choses ont changé depuis cette année qui vit la disparition de l’URSS, l’hégémonie des États-Unis, leur hyperpuissance et même leur seule puissance. Nous sommes revenus désormais à un monde multipolaire, la Chine compte alors qu’elle pesait peu, et le réveil des cultures et des civilisations est manifeste, que ce soit avec le redressement de l’islamisme ou de l’indigénisme. Depuis la guerre du Golfe de 1991, c’est un autre monde qui a émergé et de nouvelles relations internationales qui le structurent ; mais un nouveau monde marqué par des permanences : celles des cultures, des religions, des peuples et de la défense des territoires.