Ethiopie: un "manteau de tristesse" recouvre Mekele, la capitale du Tigré
monument aux martyrs du Tigré a longtemps incarné la puissance militaire du Front de libération du Peuple du Tigré (TPLF), l'hégémonique parti local.
Le musée attenant exposait son arsenal, ses premiers plans de bataille et les portraits sépia des hommes et femmes qui ont perdu la vie durant l'ascension de ce mouvement de guérilla jusqu'au sommet du pouvoir fédéral.
Entre 1991 et 2018, le TPLF a dominé le gouvernement à Addis Abeba, avant d'en être écarté après l'arrivée au pouvoir du Premier ministre Abiy Ahmed. Il s'est ensuite retranché dans son fief tigréen, jusqu'à en être chassé en novembre par une offensive de l'armée éthiopienne.
Aujourd'hui, loin de faire rayonner la puissance du TPLF, le monument aux martyrs symbolise son déclin.
Pour garder le site, les soldats fédéraux armés de kalachnikov ont remplacé les combattants pro-TPLF, patrouillant dans des camions militaires que les habitants regardent avec dégoût.
"C'est notre fierté, notre histoire", lance le chauffeur de tuktuk Daniel Girmay, en sirotant un thé de l'autre côté de la rue: "Je déteste tellement ces soldats que je ne veux pas voir leur visage."
Depuis le début du conflit, qui sévit encore dans la région, Mekele toute entière est méconnaissable.
De nombreuses écoles sont devenues des camps de déplacés. Les services pédiatriques débordent d'enfants blessés par des balles ou des éclats d'obus, certains avec des membres arrachés. Dans les rues, on croise régulièrement des femmes en deuil, vêtues de noir.
"C'était une ville florissante, une ville très animée. Elle vivait 24 heures sur 24", se souvient Kibrom Gebreselassie, directeur de clinique à l'hôpital Ayder Referral: "Maintenant, elle est recouverte de tristesse."
- Bilan "dissimulé" -
Trois semaines après le lancement de l'opération militaire par Abiy Ahmed, prix Nobel de la paix 2019, les forces fédérales étaient aux portes de Mekele.