L'heure du verdict pour le "cerveau" présumé de l'EI en Allemagne
Ahmad Abdulaziz Abdullah Abdullah, alias "Abou Walaa", est jugé depuis plus de trois ans à Celle (nord de l'Allemagne), aux côtés de quatre complices présumés, dans un procès-fleuve entouré d'un drastique dispositif de sécurité.
Il est accusé d'appartenance à l'EI et de soutien à cette "organisation terroriste étrangère". Des peines comprises entre quatre et onze ans de prison ont été requises contre les prévenus. L'avocat du principal accusé a lui plaidé l'acquittement.
Abou Walaa" était, selon l'accusation, "le représentant en Allemagne" de l'Etat islamique entretenant des "contacts directs" avec les leaders du groupe, ainsi que le "cerveau du réseau" qui envoyait des combattants volontaires depuis l'Allemagne vers la Syrie ou l'Irak.
- "Sans visage" -
Pour l'accusation, Abou Walaa a monté dans sa mosquée de Hildesheim (Basse-Saxe) une véritable entreprise d'embrigadement. Au moins huit personnes, "principalement de très jeunes gens", selon l'accusation, sont ainsi parties, dont des frères jumeaux allemands qui ont commis un sanglant attentat suicide en Irak en 2015.
Le principal accusé était arrivé en Allemagne comme demandeur d'asile en 2001 et a été arrêté en novembre 2016 après une longue enquête du renseignement intérieur.
Très prudent et discret, il était surnommé "le prédicateur sans visage", car ses prêches en ligne, très regardés dans la jihadosphère, ne le montraient jamais de face. Il est aussi accusé d'avoir prêché le jihad dans la mosquée de Hildesheim, désormais fermée.
Parmi les personnes ayant fréquenté le groupe, on retrouve au moins l'un des trois adolescents qui, âgés de 16 ans, ont posé une bombe en avril 2016 dans un temple sikh en Allemagne, blessant trois hommes dont un grièvement. Tous ont été condamnés à des peines de prison ferme en mars 2017.
Par ailleurs, Anis Amri, le Tunisien responsable de l'attaque au camion bélier du marché de Noël de Berlin (12 morts en décembre 2016), paraît avoir fréquenté ce réseau et eu des contacts avec un des co-accusés, le Germano-Serbe Boban Simeonovic, un ingénieur en chimie, qui l'aurait accueilli dans une école islamique de Dortmund.
Le demandeur d'asile tunisien, tué dans sa fuite en Italie par la police, a fréquenté aussi une mosquée berlinoise connue pour ses liens avec le jihadisme et où Abou Walaa a eu l'occasion de prêcher. Un contact direct entre les deux hommes n'a cependant jamais été établi.
- "Escroc" -
L'accusation s'est essentiellement appuyée sur le témoignage d'un informateur du renseignement intérieur allemand qui pendant des mois a récolté indices et éléments de preuves contre le prédicateur irakien. Craignant pour sa vie, ce témoin à charge a été exempté de témoigner à l'audience.
Un autre informateur clé, combattant jihadiste désabusé, de retour des anciens territoires de l'EI, a aussi accepté de coopérer et de raconter comment le réseau d'Abou Walaa l'a fait partir via Bruxelles et la Turquie.
Mais pour l'avocat d'Abou Walaa, Peter Krieger, ces accusations reposent sur les déclarations d'un témoin non digne de confiance, déjà condamné en tant que membre de l'EI. "Le témoin principal est un escroc", s'est-il emporté à l'audience.
Si le terrorisme d'extrême droite a été érigé au premier rang des menaces pesant sur la sécurité de l'Allemagne, la nébuleuse jihadiste y reste active.
Trois frères syriens, soupçonnés de préparer des attentats à l'explosif, ont ainsi été interpellés début février en Allemagne et au Danemark.
Depuis 2009, les autorités allemandes ont déjoué 17 tentatives d'attentat de ce type, dont la majorité depuis l'attaque de 2016, selon le ministère de l'Intérieur.
Le nombre d'islamistes considérés comme dangereux se trouvant en Allemagne a été multiplié par cinq depuis 2013 pour s'établir actuellement à 615, selon le ministère de l'Intérieur. Celui des salafistes est lui évalué à environ 11.000, soit deux fois plus qu'en 2013.