Libye-Syrie-Yémen : après le printemps, le chaos
Dix ans après les révolutions arabes,
«Libération» tire le bilan. Aujourd’hui, trois pays
dont les espoirs de renouveau démocratique ont été balayés par
la guerre civile et le jihadisme.
Le
printemps des peuples arabes est loin d’avoir été partout radieux. Souvent, il
a été suivi par un hiver rigoureux, comme en Egypte où la
contre-révolution a triomphé (lire Libération du
13 janvier). Parfois aussi, de ce «clair-obscur» entre «un vieux
monde qui se meurt et le nouveau monde qui tarde à apparaître, ont surgi les
monstres», selon la prédiction d’Antonio Gramsci.
En Syrie,
en Libye, au Yémen, ces monstres ont dévoré la révolution de 2011. Qu’ils
aient pris la forme d’un dictateur brutal, Bachar al-Asssad, prêt à saigner son pays pour
rester au pouvoir ; d’une désintégration complète de
l’Etat libyen, livré tout entier aux appétits miliciens ; ou d’une
interminable guerre civile, provoquant au Yémen «la pire
crise humanitaire du monde», selon l’ONU.
Ce second
dossier consacré à l’anniversaire des dix ans des révolutions arabes est
consacré à ces pays qui ont basculé dans le chaos à l’issue du printemps.
Ils ont au moins deux points communs.
Les groupes
islamistes terroristes y ont prospéré. Profitant de cette période pour s’implanter,
certes, ils ont aussi été cyniquement instrumentalisés pour justifier une
répression féroce, ou pour en appeler au soutien de l’Occident. Le jihad n’est
pas né en 2011. Mais son rejeton le plus cruel, l’Etat islamique, a
vu le jour dans le sillage des printemps avortés.
L’autre constante est l’intervention des puissances
étrangères dans ces conflits. En Syrie, les rebelles, un temps soutenus par les
pays du Golfe, ont perdu l’essentiel de leurs parrains (mis à part la Turquie)
tandis qu’Al-Assad a confié son salut à Téhéran et Moscou. Au Yémen, les
insurgés houthis appuyés par l’Iran sont combattus depuis cinq ans par une
coalition armée menée par Riyad. En Libye, où tout a commencé par une
intervention occidentale qui a conduit au renversement de Kadhafi, le fragile
gouvernement d’union nationale doit aujourd’hui sa survie à l’aide militaire
d’Ankara face aux troupes du maréchal rebelle Khalifa Haftar, portées à bout de
bras par l’Egypte, la Russie et les Emirats arabes unis.
Ces acteurs extérieurs ont parfois aidé - volontairement
ou non - à créer ces monstres. Dix ans après le printemps, personne ne
semble plus en mesure de les contrôler.