Publié par CEMO Centre - Paris
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Macron va-t-il réussir à réconcilier les responsables des musulmans de France ?

mercredi 20/janvier/2021 - 09:07
La Reference
Khalid Saad Zaghloul
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Le président français Emmanuel Macron a accueilli aujourd’hui lundi 18 janvier en présence du ministre de l’Intérieur et responsable des affaires religieuses Monsieur Gerald Darmanin au Palais de l’Elysée, les représentants du Conseil Français du Culte Musulman qui a été créé en 1999 et rénové en 2003 par le ministère de l’Intérieur, pour devenir l’interlocuteur du principal des autorités françaises au nom de quelque 20 millions de musulmans de France dont la moitié sont français ou ont obtenu la nationalité française. Le président français a été embarrassé par les conflits politiques perpétuelles entre l’Algérie et le Maroc pour contrôler l’islam de France. Le président français avait déjà rencontré les membres du Conseil français du culte musulman en novembre 2020 en leur demandant de présenter les grandes lignes pour la formation d’un Conseil national des imams qui soit responsable des accréditations des hommes de religion musulmans en France et de leur retrait si nécessaire, pour combattre l’islam politique et la pensée des Frères musulmans. Il leur a donné deux semaines pour préparer un pacte des valeurs républicaines, que les neuf fédérations qui composent le Conseil devaient respecter. Ce pacte comprend l’acceptation des valeurs républicaines, et du fait que l’islam en France est une religion et non pas un mouvement politique, en stipulant la fin de l’ingérence de pays étrangers. Mais les conflits politiques croissants entre le président élu Mohammad Moussa, marocain de nationalité, et le recteur de la Grande Mosquée de Paris Chamseddine Hafiz de nationalité algérienne, ont empêché la réalisation de ce pacte, voire il y a parmi les neuf fédérations qui représentent une partie importante des musulmans de France, trois qui n’agréent pas la « vision républicaine » de l’Elysée.

L’élection du professeur de mathématiques d’origine marocaine Mohammad Moussawi (55 ans) à la tête du Conseil français du culte musulman en janvier 2020 a été un choc pour les Algériens qui ont une communauté importante de plus de 6 millions d’âmes. Il a gagné du fait qu’il était le seul candidat aux élections après le retrait de Chamseddine Hafiz élu recteur de la Grande Mosquée de Paris, après la démission de DalilBoubakeur pour des raisons de santé.

Les Français ont été surpris par l’éclatement des conflits entre les représentants des communautés marocaines et algériennes au sein du Conseil.

Les représentants de la Grande Mosquée ont menacé de se retirer du Conseil si le candidat algérien Chamseddine Hafiz n’était pas élu président du Conseil, ce qu’a refusé le courant proche du Maroc, qui considère le candidat algérien comme un partisan du Front Polisario hostile à l’unité territoriale du Royaume, du fait qu’il a été l’avocat du Front séparatiste, ce qui l’a obligé à se retirer des élections, laissant Moussawicomme le candidat unique. Celui-ci a ainsi été élu pendant deux ans avec 60 voix sur les 87 membres du Conseil d’administration. Moussawi est aussi président de l’union des mosquées françaises, l’une des composantes du Conseil français du culte musulman. Le Conseil fait face en ce moment à des critiques acerbes des musulmans de France à cause de l’absence d’une représentation convenable. 

Les Algériens voient dans la présidence marocaine une orientation du Conseil musulman vers une impasse, dans le but de limiter les prérogatives de la nouvelle présidence algérienne, après la fin du mandat du président marocain Mohammad Moussawi, étant donné qu'il était admis que c’est l’Algérie qui assumerait officiellement la présidence du Conseil pour la prochaine session, en accord avec les diverses organisations composant le Conseil.

Notons que Chamseddine Hafiz né en Algérie en 1954 a participé avant d’émigrer en France à la fondation de l’Union des jeunes avocats algériens, et il assume aujourd’hui, à côté de sa fonction de recteur de la Grande Mosquée de Paris, celle de vice-président du Conseil français du culte musulman depuis 2008. Il est depuis des décennies l’avocat de la Grande Mosquée de Paris, et il a plaidé plusieurs fois dans des procès intentés par la Mosquée contre des parties ayant nui à l’islam et aux musulmans de France, dont la plainte déposée en 2006 contre le journal Charlie Hebdo, après sa publication de caricatures du prophète Mohammad. Et la justice française n’a pas tranché en faveur de la Grande Mosquée de Paris car les lois françaises n’incriminent pas le mépris pour les religions.

En fait, la plupart des fédérations islamique de France sont proches des pays mères en particulier le Maroc, l’Algérie et la Turquie, et certains groupes proches des Frères les contrôlent, et la rivalité a éclaté entre le Maroc et l’Algérie au sein de cette entité, étant donné qu’ils financent et contrôlent certaines mosquées. En effet, al-Moussawi assume aussi la présidence de l’Union des mosquées françaises, l’une des composantes du Conseil français du culte musulman, et les Algériens l’accusent d’être proche des Frères musulmans.

Les Français ont été surpris par la façon dont sont gérées les affaires des musulmans de France, étant donné les conflits entre les musulmans. La France a présenté diverses initiatives depuis les années quatre-vingts du siècle dernier, pour rassembler les musulmans sous une seule administration, qui serait l’interlocuteur principal de l’Etat. Ainsi, à la demande du président François Mitterrand, son ministre de l’Intérieur Pierre Joxe a fondé un Conseil consultatif (CORIF) comprenant 15 membres dont les recteurs des grandes mosquées et des personnalités musulmanes en vue. Mais son successeur Jacques Chirac a ordonné à son ministre de l’Intérieur Charles Pasqua de supprimer ce Conseil consultatif en 1995 en s’appuyant sur l’Institut musulman et la Mosquée de Paris pour réaliser « l’islam français ». Et avec le retour de la gauche au pouvoir, le ministre Jean-Pierre Chevènement a eu ces délibérations, qui ont conduit avec Nicolas Sarkozy à la fondation d’une structure officielle, qui est aujourd’hui le Conseil français du culte musulman. Et en décembre 2016, le ministère de l’Intérieur a annoncé que l’organisation de l’islam français avait commencé officiellement ses activités, mais en vertu de la loi de 1905 sur la séparation entre la religion et la politique, elle ne pouvait se charger que des projets à caractère social et culturel.

Quant à Emmanuel Macron, il a voulu mettre fin aux conflits pour s’intéresser aux intérêts de l’islam et de l’Etat, la France craignant la domination des Frères musulmans, ce qui a poussé le gouvernement français à élaborer une loi pour dissuader ces idéologies politiques extrémistes qui ont conduit au terrorisme qui a frappé la France depuis 1986 et jusqu’aujourd’hui.

En effet, les adeptes du courant islamiste en France ont exploité la couverture légale des libertés individuelles et des valeurs républicaines et démocratiques pour se retourner contre elles et tenter de s’étendre dans ce pays et en particulier dans de vastes régions isolées du pouvoir de l’Etat et de la loi, et c’est ce qu’ont compris les responsables français, ce qui a poussé Macron à charger le Sénat de préparer une étude de la situation de l’extrémisme musulman en France. C’est la sénateur Jacqueline Eustache-Brinio qui s’en est chargée, et un rapport a été publié avec des recommandations et des mises en garde adressées aux services de l’Etat pour faire face à ce danger de l’extrémisme islamique et de ses tentatives de changer la nature de la société française. Cependant, il ne semble pas que le rapport de la Commission parlementaire ait présenté un diagnostic pratique de la situation, ni une méthode pour définir des traitements efficaces des pratiques illégales, mais qu’il s’agissait de simples résultats ayant été dépassés par les événements.

La nouvelle stratégie annoncée par Macron contre le « séparatisme islamique » vise à décontenancer le courant de l’islam politique, tout en répondant aux défis de l’Etat face à l’intégration de groupes d’immigrés, voire de citoyens français dont les appartenances religieuses et communautaires l’emportent sur la citoyenneté.

Il semble que le meurtre de l’enseignant français Samuel Paty par un extrémiste musulman ait contribué à hâter la campagne des autorités françaises contre les islamistes extrémistes, et des rapports parlent de l’intention d’expulser des centaines d’entre eux et de fermer des dizaines de sièges et d’associations qui représentent un espace pour leurs activités.

C’est ainsi que le président a demandé à son ministre de l’Intérieur d’intervenir pour préparer un « pacte de principes » de l’islam en France et parvenir à un accord entre les chefs du Conseil français du culte musulman à ce propos, en vue de créer un conseil national des imams. Il veut que le pacte s’accorde avec les valeurs républicaines françaises, et en particulier « l’égalité entre l’homme et la femme », « le refus de l’utilisation de l’islam à des fins politiques », et « le refus de l’ingérence » de pays étrangers dans les affaires de la communauté.

De leur côté, les chefs du Conseil français du culte musulman (CFCM) ont annoncé samedi qu’ils étaient parvenus à un accord sur le « Pacte de principes » de l’islam de France, affirmant en particulier l’égalité entre les sexes et la compatibilité de la croyance islamique avec la République. 


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