A la fin de mes études, après avoir obtenu mon diplôme, j'ai décidé d'apprendre la langue arabe en Angleterre.
J'ai choisi Londres comme capitale pour mes études, mais mon père avait un autre avis.
Il a choisi Brighton et m'a conseillée d'éviter le tapage de la capitale, et ses quatre commandements se sont succédé.
Il me dit :
Si tu veux partir seule à l'étranger et étudier, je pose quatre conditions que tu dois toutes respecter.
1 - La première : Ne pas habiter chez une famille qui a un jeune homme ou dont le chef de famille est un jeune homme.
2 - La seconde : Ne T'attarde pas à l'extérieur après neuf heures, car les Anglais sont un peuple qui boit l'alcool pour perdre la tête, pas pour profiter pleinement de son temps.
3 - La troisième : N'oublie pas ce que je t'ai enseigné pendant vingt-et-un ans : Pas d'alternative au succès et à l'excellence.
4 - La quatrième : Découvre le monde comme tu veux, mais conserve nos traditions comme si tu étais toujours avec moi, dans mes bras ici au Caire.
J'ai achevé les formalités de voyage et quand je suis allée à l'institut, j'ai eu l'impression que je paraissais étrange à mes camarades d'études et à mes professeurs.
La plupart des étudiants étaient de nationalités différentes : Amérique Latine, Europe, parfois d'Asie.
Certains venaient des pays arabes comme la Libye, le Yémen, Oman ou l'Arabie Saoudite. Ils étaient tous des garçons. Et j'étais la seule étudiante arabe, égyptienne dans l'institut.
Mais ce n'est pas cette particularité qui me rendait étrange aux yeux de nombre d'entre eux, mais mon comportement. Car je ne saluais pas en embrassant, comme faisaient tous mes amis et amies. Je ne sortais pas avec eux pour faire la fête le samedi soir ou pour découvrir la magie de Brighton et sa vie nocturne.
Un jour, j'ai décidé, avec un groupe de filles de l'institut, d'aller à un restaurant de la ville pour dîner un week-end.
Nous avons mis nos plus belles tenues de soirée et nous y sommes allées en passant par des ruelles magiques et glaciales.
Réchauffées par la chaleur des bougies du restaurant se mélangeant à la lumière des lampes des ruelles dont le style nous ramenait à l'époque classique, nous entendions, au loin, les bruits des vagues de la côte de cette ville magique au nord du Royaume-Uni.
Nous nous sommes assises pour prendre le délicieux repas, pour moi, c'était fish and chips.
Car la cuisine anglaise n'est pas aussi riche à mon goût, et c'est pourquoi je demande simplement du poisson frit et des pommes de terre frites, en tant que plat connu ou un bout de viande à moitié cuite avec des légumes cuits à la vapeur.
Nous avons bien mangé et bien arrosé le dîner. Et j'étais la seule à me contenter d'un jus d'orange, utile pour mes rhumes pendant l'hiver glacial de l'Angleterre.
Cela n'était pas encore suffisant pour me rendre particulièrement différente de mes camarades de la soirée.
Ce qui était étrange ou au moins surprenant, c'est qu'à un certain moment de notre discussion une camarade allemande, Sarah, nous a posé cette question que je trouvais surprenante.
Quand et dans quelles circonstances avez-vous perdu votre virginité ? Elle a demandé à chacune d'entre nous de raconter son expérience à ce propos.
La question m'a évidemment choquée, car je ne savais pas qu'il y avait des sociétés où les filles trouvaient normal de perdre leur virginité avant le mariage.
Pour moi, le mariage était le seul moyen d'entrer dans la vie sexuelle !
Les récits se sont suivis l'un après l'autre. Certaines filles avaient perdu leur virginité à treize ans. D'autres à seize ans. D'autres encore à dix-huit ans.
En général, d'une façon et dans des conditions qui ne sont pas les meilleures.
Contrairement à ce que l'on aurait dû penser, leurs souvenirs n'étaient pas heureux.
Leurs histoires d'initiation ou si l'on veut dire, leurs nuits de dépucelage, s'inscrivaient douloureusement sur les traits de leurs visages.
Et lorsque c'était à mon tour de parler, la réponse fut pour moi évidente et concise ainsi : Je ne suis pas encore mariée.
Les copines étonnées se demandaient : Quel est le rapport entre le mariage et la perte de virginité ?
J'ai dû leur expliquer que, dans mon pays, toute jeune fille tient à sa virginité comme à la prunelle de ses yeux, jusqu'au mariage et quelle que soit sa religion.
C'est un principe appris et transmis par ma mère et mon père depuis ma plus tendre enfance et une vertu intériorisée dans la profondeur de ma conscience jusqu'à l'âge adulte, comme un trésor et une récompense à n'offrir qu'à celui qui a gagné mon coeur et qui par le lien du mariage prouve au monde entier qu'il veut bien commencer et finir sa vie avec moi.
Les filles m'ont répondu : Veux-tu nous convaincre que tu n'as jamais fait l'amour ?
Et je leur ai dit que je n'ai jamais entendu de mes parents que l'amour était interdit. Car le coeur qui n'a pas connu l'amour ne connaît jamais la vie et sa beauté et laissera ainsi la place à la haine et aux rancoeurs.
L'amour véritable nous fortifie à l'égard des autres aussi bien qu'à l'égard de nous-même.
Cet amour, à ne pas confondre avec l'acte précis de faire l'amour, est la force qui nous rend capables de réaliser nos rêves, même ceux qui semblent illusoires aux yeux des autres.
Mon père m'a transmis cette conception de l'amour encadré par les quatre conditions éthiques et morales que j'ai déjà citées.
Ma mère confortée dans le respect du code de l'honneur et de la sincérité.
Maintenant à votre tour :
N'empêchez pas vos filles d'étudier, de travailler ou de voyager.
Ne détruisez pas leur avenir par des inquiétudes et des peurs mal placées.
Investissez dans la culture de l'amour, de la beauté, et de la liberté de vos filles.
N'épargnez, ni votre temps ni vos moyens pour armer vos filles et leur donner la meilleure formation.
Laissez-les partir, découvrir et s'épanouir.
Puis, aidez-les à tracer leurs chemins.
Je vous jure (je vous le promets). Elles reviendront bien plus mûres, plus responsables et capables d'affronter la vie dans un état bien meilleur que ce que vous auriez souhaité.