Les divers scénarios de l’avenir des groupuscules «daechistes » au Moyen-Orient
Le 29 juin 2014, le porte-parole de Daech, Abou Mohamed Al-Adnani, a annoncé la création du califat islamique. L'organisation a prêté allégeance à Abou Bakr Al-Baghdadi, proclamé calife des musulmans. Moussol - en Irak - est devenue la capitale du nouvel Etat.
Trois ans plus tard, après l'instauration de Daech en Irak, le Premier ministre irakien, Haidar Al-Abbadi, a annoncé - le 9 décembre 2017- la fin de la guerre contre Daech, après avoir imposé le contrôle total sur les frontières avec la Syrie et avoir détruit le dernier repaire du groupuscule djihadiste dans le pays. Daech avait, en fait, imposé son influence sur près du tiers de la superficie de l'Irak.
Quelques jours auparavant, le ministère russe de la Défense avait annoncé que l'armée russe "avait rempli" sa mission en Syrie et que cette dernière avait été totalement libérée de Daech.
Entre 2014 et 2017, le groupe Daech a connu plusieurs mutations et caractéristiques, qui lui ont valu la renommée d'être une des plus dangereuses organisations extrémistes dans le monde, vu le nombre de ses adeptes, la diversité des nationalités de ses adhérents, leur haute performance de combat et l'extension du pouvoir de l'organisation dans de nombreux pays de la région. Des capacités et des compétences de haut niveau, qui ont poussé, le général Stephen Townsend, commandant de l'Alliance internationale anti-Daech, le soi-disant Etat Islamique (EI), à déclarer que le danger de Daech ne cesse de continuer et que le groupuscule terroriste se présente sous une nouvelle forme.
De pareilles déclarations soulèvent plusieurs interrogations quant à l'avenir de Daech après sa défaite à Mossoul. Quels sont les scénarios de l'après-Daech? Quel est l'avenir des groupes terroristes qui ont annoncé leur allégeance à Daech, au cours des trois dernières années, depuis Bayt Al-Maqdis en Egypte jusqu'à Boko Haram au Nigeria ? Quelles sont les tactiques offensives de Daech après la défaite de Mossoul ?
Premièrement : L'avenir des membres et des éléments daechistes
Après la défaite de Daech à Mossoul, et le retrait de ses éléments et leur concentration sur le territoire syrien, notamment dans la province de Rakka, le groupuscule a franchi le seuil de la dernière phase de cohésion interne de sa base, ce qui a poussé le commandement du groupe à appeler ses éléments à prêter allégeance au combat et non pas à une personne.
Etape qui a annoncé une nouvelle phase dans l'histoire du groupuscule, et qu'on pourrait appeler "Le suicide collectif". C'est un "état de jurisprudence" qui aurait ses répercussions sur les tactiques offensives du groupe. Après l'effondrement du groupuscule en Irak et le rétrécissement des capacités de Daech à imposer son influence sur le terrain, les éléments terroristes commencent à se redéployer et à se reconcentrer, pour restructurer les tactiques offensives qui se baseraient sur les trois volets suivants :
1- La reconstitution de l'organisation :
L'éventualité d'une réorganisation des rangs du groupuscule reste valable, d'autant plus que la plupart des commandants du groupe sont encore vivants, et les questions posées sur l'avenir des éléments daechistes demeurent ouvertes jusqu'à présent. Ceci révèle la présence d'une importante entité non-négligeable déployée au sein de la Syrie et en Irak. Le rassemblement des rangs du groupuscule et sa reconstitution, restent un scénario probable et peu exclu. Voire, le groupe pourrait même imposer son influence sur de nombreuses zones à démographie variable dans les foyers de conflit.
Ce volet reste conditionné au progrès qui serait réalisé en tranchant de nombreux dossiers, comme celui de la réconciliation politique entre les factions armées et le régime syrien, ou celui de la situation des sunnites en Irak, ou la reconstruction des zones libérées et le rapatriement des réfugiés ou encore d'autres.
En dépit de la défaite de Daech, les facteurs ayant participé à sa création, à sa prospérité et à l'extension de son influence, restent présents, notamment à la lumière d'une situation de flou quant à l'avenir de la situation en Syrie et en Irak.
2- La reconcentration dans des zones d'influence alternatives :
Le deuxième scénario rend probable la poursuite du projet. Autrement dit, les daechistes poursuivront la construction de leur Etat islamique en usant de la stratégie de contrôle sur le terrain, mais via la recherche d'un refuge alternatif, et qui serait probablement un des Etats du groupuscule, comme la Libye, le Yémen ou le Nord Sinaï en Egypte ou encore le Sud de l'Asie, surtout que les filiales de Daech demeurent actives dans ces zones.
Toutefois, ce volet reste conditionné à la capacité des commandants du groupuscule à se déplacer vers ces régions pour débuter leur mission gérant le groupe dans ces nouveaux environnements. Ceci dépend également de la capacité des daechistes à s'infiltrer dans ces zones, à la lumière de la surveillance rigoureuse imposée dans ce contexte. Il existe aussi un obstacle important, celui de l'absence de "couveuses" pour le groupuscule (Il s'agit de communautés de réfugiés ou de déplacés ayant des enfants ou des proches partisans de Daech) dans la plupart des zones de ses Etats et leur influence limitée.
3- Le dépècement en petits groupuscules terroristes :
Le troisième scénario comporte le démantèlement du groupuscule et son dépècement. Cela signifie le morcellement du groupuscule et sa restructuration sous forme de petits groupes dispersés chargés de perpétrer des attentats terroristes dans les zones où ils se trouvent, notamment à la lumière de la dispersion de nombreux daechistes, dissimulés au sein des rangs des civils. Cela signifie le retour de Daech mais sous une forme moins cohérente et sous différentes dénominations. Il est probable que ces petits groupes dispersés se basent principalement sur des attentats terroristes primitifs, des attentats-suicides et sur la pose des engins explosifs.
Deuxièmement : Des voies probables pour les groupuscules daechistes
Les pays du monde se sont intéressés à la question : Quel avenir après Al-Qaïda, après que les Etats-Unis aient ciblé l'Afghanistan au début du troisième millénaire ? La réponse était : Daech fin 2014.
Dans ce même contexte, l'on se pose la question : Quel avenir après Daech après sa défaite à Mossoul et après que l'étau s'est resserré sur le groupuscule en Syrie ? La région connaîtra-t-elle l'émergence d'un nouveau groupe terroriste transfrontalier, comme version plus moderne que celle de Daech ? Quel sera l'avenir des groupuscules radicaux relevant de Daech dans la région ?
Il existe trois voies probables pour ces derniers, notamment ceux qui ont prêté allégeance à Abou Bakr Al-Baghdadi et à Daech.
La première voie :
La rupture avec Daech et la création d'une organisation indépendante à l'instar de celle de "La Libération du Levant" (Ex Front Al-Nosra), lorsque cette organisation a annoncé avoir brisé le lien organisationnel avec le groupe Al-Qaïda et avoir mis fin à l'allégeance prêtée à son leader Ayman Al-Zawahiri.
L'organisation a tenté de rallier d'autres éléments et groupes extrémistes, s'étant retirés d'Al-Qaïda, ainsi que d'autres milices armées, pour alors créer une nouvelle structure indépendante.
Par analogie, le groupe Bayt Al-Maqdis au Sinaï et celui de Boko Haram au Nigeria, et Daech au Yémen, ces groupes peuvent suivre la même voie et ainsi changer de nom et recruter de nouveaux éléments terroristes, tout en élargissant l'organisaion à l'adhésion d'autres groupuscules se trouvant dans les pays voisins.
La deuxième voie :
Les organisations de Daech peuvent recourir au désengagement structurel et annuler l'allégeance à Abou Bakr Al-Baghdadi, pour ensuite annoncer, encore une fois, leur retour à Al-Qaïda et prêter allégeance à Ayman Al-Zawahiri, chef d'Al-Qaïda.
La troisième voie :
Les organisations de Daech dans les pays de la région peuvent se démanteler à l'instar de ce qui s'est passé avec l'organisation "Ansar Al-Charia" en Libye, au mois de mai 2017. C'est là la même voie qu'avaient suivie certains groupes terroristes armés dans les pays de conflit au cours de la dernière période, et dont le dernier était le groupe "Seraya de Défense de Benghazi", qui a annoncé s'être disloqué, juin 2017.
En conclusion :
L'année 2017 a été un tournant dans l'avenir de Daech, qui a perdu la majorité de ces zones d'influence, et à leur tête ses deux fiefs principaux : Mossoul en Irak et Rakka en Syrie. Cela nous mène à quelques interrogations sur l'avenir des organisations terroristes dans la région en 2018, notamment à la lumière des situations intérieures de flou qui règnent. De nombreux dilemmes politiques et sécuritaires en 2017 restent non-tranchés, d'autant plus que l'éventualité de voir Daech réorganiser ses rangs et se reconcentrer dans d'autres régions ou Etats, n'est pas encore tranchée.
Ajoutons à cela les opportunités qui pourraient découler de l'effondrement de Daech et qui pourraient bénéficier à d'autres groupes terroristes comme Al-Qaïda, servant ainsi de refuge alternatif aux combattants déserteurs de Daech. Par conséquent, la question sur l'avenir d'Al-Qaïda dans la région devient une des plus importantes et à laquelle on pourrait répondre dans une autre étude.