Témoignage.Réfugiée syrienne en Allemagne, "si seulement j'étais une fille normale"
Courrier International:Dans ce témoignage désabusé, cette Syrienne,
réfugiée en Allemagne, raconte comment elle est systématiquement renvoyée à son
identité. “En Syrie, je craignais les murs qui ont des oreilles ; en
Allemagne, je voudrais échapper aux yeux qui me scrutent et m’enferment dans
mes origines”, explique-t-elle.
Si
seulement je pouvais revêtir une cape qui rend invisible. Si seulement, je
pouvais marcher dans la rue, d’un pas léger, sans que personne s’occupe de mes
affaires, sans que personne me demande d’où je viens. Si seulement je pouvais
être une jeune femme normale, sans attache identitaire. Passer sans qu’on
m’interpelle sur l’islam, ou sur la condition des femmes. Passer sans être
obligée de me positionner par rapport à mon identité. Même en Syrie, je n’ai
jamais ressenti cela. Ou pas à ce point. Pourtant, là-bas aussi je me sentais à
part. Car je suis de la minorité religieuse des ismaéliens [secte hétérodoxe de
l’islam]. Mais, en même temps, j’appartiens à un milieu non croyant. En plus,
on ne vivait pas dans le cadre rassurant d’un groupe homogène, mais dans un
village où vivaient essentiellement des alaouites et des chrétiens.
Enfermer dans des bulles
À
l’école, je pleurais souvent. Étant une enfant différente, qui ne comprenait
pas le langage des autres, je ne savais pas quoi répondre – et ne voulais pas
répondre – quand on me demandait si j’étais musulmane ou chrétienne. C’est mon
frère qui me sauvait en disant qu’on était musulmans, point à la ligne. Mon père en riait.
Il
était officier dans l’armée nationale syrienne, mais sans être alaouite comme
les autres gradés militaires. Aux
yeux de la majorité