Vaccins et politique vaccinale : quelle situation en France ?
Vie Publique. Alors que la vaccination contre le
Covid-19 commence en Europe, retour sur les évolutions de la politique
vaccinale en France et sur l'attitude des Français face à la vaccination.
Protéger les
populations des maladies infectieuses est l’objectif des politiques de
vaccination mises en place tout au long du XXe siècle. Au titre de la lutte
contre les épidémies, la vaccination est une composante de la politique de
santé publique. Cependant, pour qu’une politique vaccinale soit efficace,
il faut l’adhésion de l’ensemble de la population.
Or, en France,
une certaine défiance vis-à-vis des vaccins s'est développée ces dernières
années. Avec l'épidémie de Covid-19 et la mise au point de nouveaux vaccins,
les pouvoirs publics souhaitent faire reculer cette défiance et renouer avec
une culture de la prévention qui englobe "un ensemble de
connaissances, de savoir-faire et de pratiques, partagés et valorisés par les
soignants et la population, et destinés à préserver le capital-santé de chacun,
en agissant en amont de la maladie". (Comité d’orientation de la
concertation citoyenne sur la vaccination, 2016).
Petite histoire de la
vaccination en France
C’est au cours
du XXe siècle que sont
mises en place des obligations vaccinales contre certaines maladies
infectieuses graves :
la variole à
partir de 1902 jusqu’en 1979 ;
la diphtérie à
partir de 1938 ;
le tétanos à
partir de 1940 ;
la tuberculose
à partir de 1950 jusqu’en 2007 ;
la poliomyélite
à partir de 1964.
Devant la
demande croissante de la population de participer aux décisions concernant sa
santé et au nom de la liberté et de la responsabilisation individuelle,
les autorités de santé recherchent une adhésion volontaire de la
population à la vaccination. La loi du 4 mars 2002(nouvelle fenêtre) relative aux droits des malades
et à la qualité du système de santé, dite "loi Kouchner", comprend
des dispositions relatives aux droits fondamentaux des patients. Depuis, le
code de la santé publique dispose : "Toute personne prend, avec le
professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il
lui fournit, les décisions concernant sa santé. Toute personne a le droit de
refuser ou de ne pas recevoir un traitement. Le suivi du malade reste cependant
assuré par le médecin, notamment son accompagnement palliatif.[...] Aucun acte
médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et
éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout
moment" (article L1111-4).
La conséquence
sur la politique vaccinale est le remplacement de l’obligation par la
recommandation. La France s’aligne alors sur la politique vaccinale des
pays voisins. Les nouvelles vaccinations recommandées en population
générale concernent les maladies suivantes : la rougeole, les
oreillons, la rubéole, la coqueluche, l’hépatite B, les infections invasives à
Haemophilus influenzae (sérotype b), les infections invasives à pneumocoques,
infections à méningocoques.
Cependant, face
à la baisse de la couverture vaccinale et à l'émergence de messages de défiance
sur les vaccins, une concertation citoyenne est
pilotée par le professeur Alain Fischer en 2016. Le rapport rédigé au
terme de la concertation conclut que la levée de l'obligation vaccinale est
l'objectif à atteindre. Néanmoins, dans le contexte de perte de confiance et de
baisse de la couverture vaccinale, il préconise un élargissement temporaire du
caractère obligatoire des vaccins recommandés de l'enfant. Cette proposition
entre en vigueur le 1er janvier 2018, date à partir de laquelle 11 vaccins sont
obligatoires (en comptant ceux contre la diphtérie, le tétanos et la
poliomyélite qui l'étaient déjà) dans les 18 premiers mois du jeune enfant.
Certaines
populations font l’objet de recommandations spécifiques. Il s’agit par exemple
de personnes souffrant de certaines pathologies ou exposées à des risques
particuliers dans le cadre de leur activité professionnelle. Des
vaccinations sont également obligatoires pour les voyageurs vers
certaines destinations.
L’ensemble des
vaccinations, obligatoires et recommandées, le calendrier des injections
nécessaires, les recommandations associées, sont précisés dans un document mis à jour
chaque année(nouvelle fenêtre) par la
commission technique des vaccinations.
La
commission technique des vaccinations
Au
sein de la Haute Autorité de santé (HAS), la commission technique des
vaccination (CTV), créée le 22 mars 2017, assure les missions en matière de
vaccination. Elle est chargée de préparer les délibérations du collège
relative notamment :
aux
recommandations vaccinales, y compris en urgence à la demande du ministre
chargé de la santé ;
au
calendrier vaccinal arrêté par le ministre chargé de la santé ;
aux
mentions minimales obligatoires des campagnes publicitaires portant sur des
vaccins.
Elle collabore à la préparation des avis de la commission de la transparence et
de la commission évaluation économique et de santé publique portant sur des
vaccins.
Vaccins et couverture
vaccinale
Les vaccins
visent à protéger les individus contre les maladies contagieuses et
transmissibles. Inoculés à des personnes en bonne santé, leur utilité
doit être évaluée en fonction d’un bilan entre les bénéfices pour les individus
et pour la collectivité et les risques encourus (effets secondaires
plus ou moins graves). C’est ce qu’on appelle la balance bénéfice/risque. À
partir d’un certain niveau de couverture vaccinale, qui varie selon le
vaccin, c’est l’ensemble de la population qui bénéficie de l’immunité
ainsi construite (immunité collective). Lorsque la couverture
vaccinale est de 95%, on considère que la maladie a disparu. Ainsi, en 1980, la
variole, maladie mortelle qui a longuement sévi dans le monde, est considérée
comme éradiquée par l’OMS, et la vaccination n’est plus obligatoire.
En 2016, en
France la couverture vaccinale moyenne est estimée au tour de 30%. Si elle est
satisfaisante chez les nourrissons, il n’en est pas de même au-delà de l’âge
d'un an et au fil des années. Le rapport du comité
d’orientation de la concertation citoyenne sur la vaccination faisait
le constat suivant :
les couvertures
des rappels à l’âge de 15 ans contre DTP, coqueluche et hépatite B sont
estimées respectivement à 84%, 70% et 43% ;
moins d’un
adulte sur deux (44%) âgé de 65 ans et plus était en 2011 à jour de son rappel
DTP décennal ;
le taux de
couverture vaccinale des jeunes filles contre le papillomavirus est en
diminution (14% pour les trois doses à l’âge de 16 ans en 2015 contre 28% en
2010) et celui de la population à risque contre la grippe saisonnière également
(48% en 2015-2016 contre 60% en 2009-2010).
la
non-vaccination de nombreux enfants et jeunes adultes favorise la résurgence de
la rougeole. En 2018, 350 000 cas de rougeole sont signalés dans le monde, soit
le double du nombre de cas de 2017, et le nombre de cas répertoriés pour le
premier trimestre 2019 est multiplié par quatre comparativement à la même
période pour 2018.
Depuis 2018, la
situation a changé avec une couverture vaccinale au-delà de 90% pour les
vaccins chez les jeunes enfants, une progression constante du vaccin contre le
papillomavirus (autour de 30%) même si cette couverture reste très en-deçà de
celle de certains pays comme l’Australie (90%), le Portugal (84%), le
Royaume-Uni (75%). On constate également une amélioration de la couverture
vaccinale des professionnels de santé en 2019 : 73% pour la rougeole, 54% pour
la coqueluche et 26% pour la varicelle, 35% contre la grippe.
Aux origines de la
défiance des Français
40% des
Français déclarent douter de la sécurité des vaccins. Selon une enquête mondiale menée par
l’Institut Gallop et publiée en 2019, un Français sur trois ne croit pas que
les vaccins soient sûrs, un Français sur dix ne croit pas à
l’importance de faire vacciner les enfants. Les enquêtes menées par le
comité d’orientation de la concertation citoyenne sur la vaccination permettent
de lister les causes de cette défiance.
Des raisons sociologiques
Une défiance, plus grande
en France que dans d’autres pays, à l’encontre des institutions. Les autorités
de santé, l’industrie du médicament, les experts sont soupçonnés de
collusion sous l’effet de scandales réels et fortement médiatisés ;