Profession tueur en Syrie
Paris Match: Parti défendre les
chrétiens d’Orient face à Daech, un jeune homme bien né se transforme en
machine de guerre. Un
road-étripe haletant.
Comme dans « Les trois mousquetaires », un fils
de famille de la bonne vieille province française part avec un groupe d’allumés
pour l’aventure en Syrie ! Son ancêtre Amaury a combattu Saladin au XIe siècle.
Un autre aïeul s’est fait sabrer par un bleu en 1793. Un de ses oncles a même
survécu à Diên Biên Phu. Chez les Nantiac, les racines de l’arbre généalogique
baignent dans l’eau bénite et le sang. Dans ses rêveries d’enfant, Paul, le
petit dernier, s’est raconté beaucoup d’histoires pleines de cottes de mailles,
de croix des Templiers, de destriers, d’épieux, de Godefroy et de Mélusine.
Résultat : il veut sauver les chrétiens d’Orient. Il aime les coptes
descendants directs des pharaons, les maronites héritiers des Phéniciens et,
surtout, en Syrie, les chaldéens, derniers fils de Nabuchodonosor lui-même.
C’est que là-bas, à Damas, il a une amoureuse. Pourquoi ne pas semerun peu la
panique chez Daech et ramener Maryam en trophée ? Joindre l’amour et la mort.
C’est parti.
Sang, sueur et larmes
Première escale : Beyrouth.
Et, dès ce moment-là, vous comprenez qu’on n’est plus chez Dumas. Bienvenue
chez « Les sept mercenaires ». Je vous préviens : ce livre ruisselle de sang,
de sueur, de larmes. Dire que ce charmant Paul séduisait les douairières de
Versailles. Au Liban, ça va encore.
On passe en boîte de nuit, on lève des filles, on avance à grands pas vers un
nihilisme irrémédiable mais on ne massacre pas encore. Dès qu’on entre en
Syrie, en revanche, changement de registre. La violence envahit chaque page.
Mais impossible de lâcher le livre. On n’est pas dans SAS. L’écriture est
pleine de formules. On frôle même la haute voltige littéraire. Et puis, côté
reportage, c’est éblouissant. A Damas, dans le grand foutoir arabe devenu un
immense vide-greniers, toute la ville brade son patrimoine pour collecter le
magot qui permettra de fuir le pays. Au passage, Paul est reçu par Bachar
El-Assad lui-même, dans son palais du mont Qassioun, en plein centre-ville, une
espèce de blockhaus style goulag avec mirador, abri antinucléaire et commodes
Louis XV de chez Romeo. Le jour et la nuit avec les salles à ogives de la
mosquée des Omeyyades.
A couper le souffle
Rien n’échappe à l’œil BCBG, snob et vieille
France de Paul. Et rien ne lui plaît – sinon sa « papacha », la kalach à 600
coups par minute sans recul. Même Palmyre le déçoit : chaises en plastique, canicule,
pâtisseries grasses. Et de là à Homs et de Tartous à Raqqa, c’est toujours
pareil : une steppe nerveuse, des sentiers de chèvres, des ruines et des
checkpoints. Seul le ciel, la nuit, est magique, un vrai sabbat d’étoiles. Pour
le reste, dans ce paysage à l’os, la vie respire à peine. Le lecteur aussi a le
souffle coupé. Car, avec Vadim, le chef du groupe de Paul, c’est carrément
Armageddon. Le spécimen du mercenaire russe directement sorti d’un film de
Tarantino. Rien à voir avec l’époque des tournois. On a presque pitié de Daech.
A côté de lui, les combattants du califat, c’est la 7e compagnie face à la
Wehrmacht. Pour se remettre, Paul a une aventure à Tartous, la base russe au
bord de la mer. Au passage, il voit les alaouites embarquer des foules de
sunnites brisés par la guerre : 4 000 dollars par homme, 1 500 pour un enfant.
Et ouste, direction Chypre et cette bonne vieille poire d’Europe !