L'Allemagne envisage de reprendre des expulsions vers la Syrie
L'Allemagne fut
en 2015 à la pointe de l'accueil des Syriens fuyant la guerre civile.
Elle envisage aujourd'hui d'autoriser le renvoi dans leur pays de ceux
coupables de crimes ou considérés comme dangereux, soulevant une question
épineuse.
D'ici vendredi, le ministre fédéral de
l'Intérieur, Horst Seehofer, favorable à une reprise des expulsions sous conditions,
doit se prononcer avec ses 16 collègues des États régionaux sur une
telle mesure.
Cette décision ouvrirait une brèche dans un
pays qui a accueilli quelque 790.000 Syriens depuis dix ans et compte désormais
la plus grosse communauté syrienne en Europe.
L'Allemagne a décrété
depuis 2012 un moratoire sur les expulsions vers la Syrie en raison du conflit
sanglant qui a fait en près de dix ans plus de 380.000 morts, jeté des millions
de personnes sur les routes de l'exil, et transformé le pays dirigé d'une main
de fer par Bachar al-Assad en champ de ruines.
Mais le conservateur Horst Seehofer souhaite
désormais un examen "au cas par cas au moins pour les criminels et les
personnes considérées comme dangereuses".
Ce moratoire, reconduit chaque semestre,
"ne peut pas s'appliquer sans exception", a fait valoir une
porte-parole de M. Seehofer, soulevant l'ire de la gauche et des Verts ainsi
que des organisations de défense des droits de l'Homme.
Pour le ministre, il s'agit d'envoyer
"un signal" aux délinquants syriens qui commettent des forfaits ou
mettent en danger la sécurité de l'État en leur montrant qu'ils "ont perdu
leur droit de séjourner en Allemagne".
Les dirigeants des États régionaux dirigés
par les conservateurs de la chancelière Angela Merkel sont dans l'ensemble
favorables à une inflexion de cette interdiction générale.
A l'inverse, dans les Länder où les
sociaux-démocrates sont au pouvoir, l'idée du ministre suscite la
désapprobation.
"Populiste"
Le ministre de l'Intérieur de Thuringe, le
social-démocrate Georg Maier, a dénoncé la dérive "populiste" de
Horst Seehofer.
Le projet intervient après une attaque
islamiste présumée attribuée à un réfugié syrien aux nombreux antécédents
judiciaires et qui a relancé le débat sur l'accueil des demandeurs d'asile.
Fin octobre, ce jeune Syrien, arrivé en
Allemagne au plus fort de la "crise" migratoire en 2015, avait été
arrêté, soupçonné du meurtre à l'arme blanche d'un touriste allemand à Dresde.
Or il avait déjà fait l'objet de plusieurs
condamnations pénales, notamment pour avoir tenté de recruter des soutiens à
une organisation considérée comme terroriste.
Le parti d'extrême droite Alternative pour
l'Allemagne (AfD), qui a mis l'immigration, la sécurité et l'islam au coeur de
son agenda, réclame aussi la reprise des expulsions vers la Syrie.
Cette formation a connu un essor important à
la suite de l'afflux de demandeurs d'asile en 2015 et 2016,
instrumentalisant à des fins politiques plusieurs faits divers impliquant des
migrants.