Pour ses adieux à l'Otan, Pompeo s'en prend à la Turquie
Mike Pompeo, qui participait mardi à sa dernière réunion ministérielle dans le cadre de l'Otan en tant que chef de la diplomatie américaine, a vivement critiqué la Turquie, estimant notamment que l'acquisition récente d'armement russes était "un cadeau" fait à Moscou, a-t-on appris auprès de cinq diplomates et hauts fonctionnaires.
Lors de cette réunion confidentielle en visioconférence, le secrétaire d'Etat américain a aussi fustigé l'attitude de la Turquie, estimant qu'Ankara nuisait à la sécurité de l'Alliance atlantique et créait de l'instabilité en Méditerranée orientale, ont ajouté ces cinq sources, s'exprimant sous couvert d'anonymat, i disque Reuters.
Même si les Etats-Unis et d'autres pays alliés s'opposent depuis longtemps à la Turquie du fait de ses interventions militaires en Syrie et en Libye, les propos de Pompeo illustrent la profondeur du fossé qui se creuse au sein même de l'Alliance atlantique.
L'ancien patron de la CIA, qui quittera ses fonctions en janvier à l'issue du mandat de Donald Trump, a interpellé son homologue turc Mevlut Cavusoglu sur l'envoi par la Turquie de mercenaires syriens en Libye et dans le Haut-Karabakh.
Sa sortie a conduit d'autres ministres, représentant notamment la France, la Grèce mais aussi le Luxembourg, à enchaîner sur ces critiques tandis que Cavusoglu répliquait par des contre-accusations.
Ainsi le Français Jean-Yves Le Drian, cité par un diplomate, a souligné que l'unité de l'Otan ne pouvait être possible "si un allié copiait les actes de la Russie", se référant à la pratique russe d'envoi de mercenaire sur des conflits extérieurs.
La tonalité d'ensemble de cette réunion a été qualifiée de "mesurée" mais "plus conflictuelle" que d'habitude. Un responsable américain a évoqué sans plus de détail une "discussion franche".
"Les Etats-Unis, en de multiples occasions, ont exhorté la Turquie a régler la question des S-400 (ndlr, un système russe de défense antiaérienne et antimissile), à cesser d'utiliser des combattants syriens dans des conflits extérieurs et à stopper les provocations en Méditerranée orientale", a-t-il rappelé.
CLARIFICATION
Mevlut Cavusoglu a indiqué jeudi qu'il ne pouvait commenter les propos tenus lors d'une réunion confidentielle.
"J'ai simplement souligné les différences entre nos deux pays et les questions en suspens", a-t-il dit en public, ajoutant que son pays avait dû acheter des S-400 russes parce qu'il ne pouvait se procurer de systèmes similaires auprès de ses alliés occidentaux.
De sources turques informées de la teneur des échanges de mardi, on note que Pompeo s'est livré à des "accusations injustes" et on rapporte qu'aucun "front uni" contre la Turquie ne s'est dégagé lors de cette réunion.
Les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne, qui se retrouveront en sommet le 10 décembre, vont discuter de possibles sanctions contre la Turquie.
Mercredi, le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, s'est entretenu par téléphone avec Emmanuel Macron, "l'occasion d'aborder directement et en confiance les préoccupations exprimées par un nombre croissant d'alliés sur les choix stratégiques faits par la Turquie", a précisé l'Elysée dans un communiqué, ajoutant que ces choix "nécessitent une clarification par une discussion franche au sein de l’Alliance dans le nouveau contexte transatlantique".