Publié par CEMO Centre - Paris
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Au Soudan, les réfugiés éthiopiens se pressent à la maison des sourires et des pleurs

samedi 28/novembre/2020 - 05:19
La Reference
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Au camp de Hamdayit, dans l'est du Soudan, une masure en terre avec pour toit une bâche en plastique frappée du sigle de l'ONU est devenue la maison des sourires, des soupirs et des pleurs pour les réfugiés éthiopiens.

Des larmes coulent sur les joues de Nassant Sio quand elle sort de la demeure. Cette femme de 33 ans, qui a fui avec son mari la localité de Humera, dans la région rebelle du Tigré en Ethiopie, a pu joindre pour la première fois sa mère qui habite dans la province voisine d'Amhara, tenue par les forces gouvernementales éthiopiennes.

"Je lui ai parlé, elle va bien et je l'ai rassurée sur notre sort", dit-elle avant de se fondre dans la foule du camp qui compte près de 30.000 réfugiés.

A l'entrée de la maison, une banderole affiche en anglais et en arabe "Restoring Family Links" (Restaurer les liens familiaux).

Il s'agit d'un service mis en place par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et le Croissant Rouge pour rétablir le contact entre proches dispersés ou disparus durant leur fuite pour échapper à la guerre.

La région dissidente du Tigré, dans le nord de l'Ethiopie, est le théâtre d'âpres combats depuis que le Premier ministre Abiy Ahmed a lancé une opération militaire le 4 novembre.

Plus de 43.000 Ethiopiens ont trouvé depuis refuge au Soudan mais, dans leur fuite éperdue, certains ont perdu la trace d'un enfant, d'un père ou d'une mère.

Des centres du CICR et du Croissant rouge ont aussi ouvert depuis une semaine dans les camps d'Oum Raquba et du "village 8" près de la frontière.

Les réfugiés y pénètrent, anxieux, par petits groupes et en sortent soulagés, déprimés ou toujours rongés par l'incertitude.

A Hamdayit, un délégué du CICR assis sur le sol avec un traducteur à son côté tape sur son clavier d'ordinateur les détails fournis tour à tour par les dix réfugiés regroupés autour de lui.

Il s'occupe d'envoyer des messages, qui vont transiter par le siège de l'organisation à Genève avant d'être redirigés vers la délégation la plus proche du lieu où se trouve le destinataire. Il faudra ensuite le trouver puis attendre qu'il réponde, indique l'AFP.

"Hier j'en ai envoyé 90", assure ce délégué qui préfère rester anonyme.

- "Je suis vivante" -

Burhani Gebermakel, un agriculteur éthiopien de 50 ans, est désemparé. Il a fui Humera tandis que son fils, sa belle-fille, sa fille et sa femme se trouvaient à Maygaba, dans l'ouest du Tigré. Depuis, il est sans nouvelles d'eux.

"Je ne veux pas envoyer de message, je veux leur parler au téléphone. Je veux entendre leur voix pour m'assurer qu'ils sont en vie", dit-il.

Mais il a peu de chance de réussir: le Tigré est quasiment coupé du monde depuis le début du conflit, toutes les communications ont été interrompues.

Sur une petite table se trouvent deux téléphones portables. Deux membres du Croissant Rouge composent les numéros des familles hors du Tigré.

Une femme appelle un proche à Addis Abeba, la capitale de l'Ethiopie, auquel elle demande d'informer sa famille qu'elle se trouve au Soudan.

"Comme ça ils sauront que je suis vivante à Hamdayit", dit-elle en sortant soulagée.

"Chacun peut téléphoner gratuitement mais pas plus de trois minutes. C'est pour informer pas pour discuter. Parler plus longtemps, ce serait impossible avec tous les réfugiés qui attendent", explique-t-elle.

Tasagi Gazdeher n'a pas cette chance: "Je suis de Humera et ma mère est à Burhat. Ce n'est pas loin mais impossible de communiquer car les deux localités sont au Tigré. Alors je lui ai envoyé un message", dit cette femme de 31 ans.

"Cela fait dix-huit jours que je suis sans nouvelles d'elle. Je lui ai écrit que j'étais saine et sauve et je lui ai donné mon numéro soudanais car je viens d'acheter une carte. Espérons que ce message lui parvienne et que je sois rassurée et elle aussi", ajoute-t-elle.



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