Glyphosate : la France cherche à sortir de son splendide isolement en Europe
Si la France n'a, pour
l'instant, réussi à tenir que la moitié de son engagement de sortir du
glyphosate, que dire des autres pays européens ! A ce jour, aucun d'eux,
hormis le Luxembourg depuis cette année, n'a tiré une croix définitive sur
l'utilisation de cet herbicide classé « potentiellement
cancérigène » par l'Organisation mondiale pour la Santé (OMS).
L'Allemagne, qui prévoit de
l'interdire totalement fin 2023, mais pour des usages précis (jardins, lisières
d'exploitations agricoles), est à la traîne. Une poignée d'autres Etats, des
Pays-Bas à la Finlande, en passant par la Belgique, le Portugal, la Slovénie et
la République tchèque, ont commencé à mettre des limites, mais rien de
significatif en ce qui concerne l'agriculture, sauf au Danemark. En Suède, où
les Verts sont au pouvoir avec les sociaux-démocrates, absolument aucun
engagement n'a été pris. Pas plus qu'en Espagne où le Parti socialiste gouverne
avec Podemos.
Volte-face de l'Allemagne
« La France est la
seule puissance agricole à avoir engagé une sortie du glyphosate », résume Pascal Canfin, président de la
commission Environnement du Parlement européen. Un isolement dont elle a bien
du mal à sortir. Fin 2017, Paris n'avait pourtant pas été très loin d'obtenir
la majorité qualifiée contre le renouvellement de l'autorisation de mise sur le
marché (AMM). Sauf que Berlin lui a fait faux bond au dernier moment , ce qui a entraîné de facto le
maintien en circulation du glyphosate pour une période de cinq ans.
Les majors des
phytosanitaires, dont Bayer et Syngenta, obtiendront-ils la réautorisation du
glyphosate qu'ils ont formellement demandée fin 2019 ? La France se tient
en embuscade pour qu'il n'en soit pas ainsi le 15 décembre 2022, jour de
l'échéance. « Il s'agit d'interdire le glyphosate pour tout
le continent », insiste bien Pascal Canfin car il en va du maintien de « conditions
de concurrence équitables entre les pays européens », rappelle-t-il.
L'Allemagne très attendue
Une première manche va se
jouer à partir de juin prochain avec la remise à jour des évaluations réalisées
par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Celle-ci, à la
différence de l'OMS, n'avait pas jugé le glyphosate
potentiellement cancérigène. Il pourrait en être autrement dans les
prochains mois. L'avis de l'EFSA, cette fois, va en effet s'appuyer sur
les recommandations des Agences nationales de sécurité sanitaires de quatre
pays, dont la France via l'Anses . Des recommandations qu'elles auront formulées après avoir évalué
les informations fournies par les industriels de la chimie demandeurs d'un
renouvellement du glyphosate.
A compter de la mi-2022, tout
sera en place pour que soit prise une décision politique que Paris aura pris
soin de préparer méticuleusement, compte tenu de la somme d'enjeux qu'elle
représente. La France, qui aura pris la présidence de l'Union européenne le
1er janvier 2022, se trouvera en pleine campagne présidentielle. Le
glyphosate ne manquera pas de s'inviter dans les débats.
Elections
en Allemagne en 2021
Avec quelle chance de
réussite pour Emmanuel Macron ? « Contrairement à 2017, je
suis optimiste sur le fait d'avoir la majorité avec le soutien de l'Espagne,
l'Italie et l'Allemagne », déclare Pascal Canfin. Mais beaucoup
dépendra de l'issue des élections qui vont se tenir en Allemagne en 2021.
Celles-ci pourraient déboucher sur une coalition CDU-Die Grünen. Une alliance
dont le Parlementaire européen voit mal comment elle pourrait réautoriser le
glyphosate.