Chez les chrétiens encore en Irak, la tentation du départ
En la cathédrale
Saint Joseph de Bagdad, la cloche sonne, le son de l'orgue s'élève et la messe
débute, comme partout ailleurs dans le monde. Mais dans les travées, les rangs
sont clairsemés, signe clair des départs qui n'en finissent pas.
Mariam est là chaque dimanche, "quelle
que soit la situation dans le pays" qui connaît depuis quarante ans
conflits et violences. A l'église encerclée par d'énormes blocs de béton, cette
Irakienne de 17 ans préférant taire son nom de famille se dit
"en lieu sûr".
Naël, le diacre
de 53 ans dont 35 à servir à Saint Joseph, a regardé sa
famille partir. "Mon père, ma mère et mes frères sont tous partis en
2003", lors de l'invasion américaine qui a renversé Saddam Hussein.
"Je suis
le seul à être resté parce que j'espérais des jours meilleurs",
glisse-t-il.
Car après 2003, il y a eu de nouveaux départs
lors des pires années de guerre civile de 2006 à 2008 dans
ce pays à majorité musulmane chiite. Puis après l'attaque en l'église
Notre-Dame du Perpétuel Secours en 2010 à Bagdad, qui a fait une
cinquantaine de morts. Sans oublier la percée fulgurante des jihadistes du
groupe Etat islamique en 2014.
Et toujours, il y a "les menaces, les
enlèvements, le racket et les meurtres", accuse le député Yonadam Kanna,
du Mouvement démocratique assyrien.
Pour le cardinal Louis Raphaël Sako,
patriarche de l'Eglise catholique chaldéenne d'Irak, "les chrétiens sont
partis contre leur gré car ce pays, c'est leur terre et leur histoire. Mais ils
sont partis pour garantir un avenir meilleur à leurs enfants".
Difficile d'obtenir des chiffres officiels
précis et récents sur les chrétiens en Irak mais si l'on se fie à la
fréquentation des églises et à la fermeture de nombreux lieux de culte, il est
clair que la communauté s'est réduite comme peau de chagrin.
L'église de la Sainte-Trinité dans le
quartier d'al-Baladiate à Bagdad a fermé ses portes il y a quatre ans. Elle les
rouvre seulement pour des fêtes.
Jusqu'en 2003, l'Irak comptait un million et
demi de chrétiens. Aujourd'hui, ils ne sont plus que 300.000 à 400.000, selon
William Warda, de l'ONG Hammourabi, qui milite pour la défense des droits de la
minorité chrétienne en Irak.
Rien qu'à Bagdad, dit-il, "ils étaient
750.000 il y a 17 ans et seulement 75.000 aujourd'hui". Dans le
quartier d'al-Doura, "les commerçants, les médecins et les cafetiers
chrétiens sont partis, il ne reste plus qu'un millier de membres de la
communauté", contre 150.000 avant l'exode massif.
"Pas ma place"
Mais les guerres et les attaques jihadistes
ne sont pas les seules raisons qui poussent au départ d'Irak. L'EI a été défait
il y a trois ans. Aujourd'hui, le chômage et la pauvreté galopante constituent
la première préoccupation des Irakiens.