L'Etat islamique reste enraciné en Irak et en Syrie
L'organisation mène une centaine d'attaques par mois et disposerait de plus
de 85 millions d'euros en cash.
Affaibli, mais toujours vivant et menaçant. L’Etat islamique a beau avoir
perdu son «califat» entre la Syrie et l’Irak au printemps 2019, il n’a pas été
annihilé pour autant : il continue à frapper, avec des tactiques nouvelles,
tout en incitant ses partisans à attaquer à l’étranger, dans leurs pays, selon un rapport
de l’inspecteur général des forces américaines de la coalition anti-Daech qui vient d’être rendu public.
«L’Etat
islamique poursuit une insurrection de bas niveau en Irak et en Syrie et
constitue toujours une menace terroriste, à la fois dans ces deux pays et au
niveau mondial. Si l’organisation a été vaincue territorialement et a vu son
leadership affaibli, ses hommes tentent de regagner du terrain et continuent à soutenir
des actions violentes à l’étranger», explique
le rapport, qui couvre la période de juin à septembre et a été présenté au
Congrès américain.
Assassinats ciblés
En Syrie, les partisans de Daech se concentrent dans le désert du sud,
ainsi que dans les régions de Deir Ezzor (Est), d’Alep (Nord) et Idlib
(Nord-Ouest). Ils ne sont plus en mesure de lancer des offensives majeures
contre les Forces démocratiques syriennes, alliance de combattants kurdes et
arabes déployée dans l’Est, ou contre le régime syrien. Mais il peut les
harceler, en posant des mines artisanales et en pratiquant des assassinats
ciblés contre des responsables locaux considérés comme des «infidèles» ou
des espions.
L’organisation use des mêmes tactiques dans
l’Irak voisin, principalement dans les provinces de Diyala, Kirkuk ou de
l’Anbar. Au total, plus de 350 attaques de ce type ont été recensées
entre juin et septembre. Environ 10 000 combattants se
répartissent entre les deux pays.
«Individus seuls»
Selon le renseignement militaire américain, l’EI ne semble en revanche plus
capable d’organiser et de diriger des attentats d’ampleur dans les pays
occidentaux. Les dirigeants qui auraient pu le faire sont aujourd’hui traqués,
et se cachent, en Syrie et en Irak. Ils ne peuvent que lancer des appels
publics à leurs branches implantées ailleurs dans le monde à frapper les
Etats-Unis et les pays européens. Mais l’organisation «veut toujours montrer qu’elle peut atteindre
l’Occident», note le rapport. Elle s’appuie avant
tout sur des «individus seuls» qu’elle tente «d’inspirer». L’assassinat du professeur Samuel Paty à Conflans-Sainte-Honorine le 16 octobre,
ou ceux de trois personnes dans la basilique Notre-Dame
de Nice,
le 29 octobre, pourraient en être des conséquences.
Côté finances, l’EI a souffert mais n’est
pas exsangue pour autant. Ces trois dernières années, des dizaines de millions
de dollars ont été saisis par les forces de la coalition. Sans territoire, ses
revenus se sont taris. Mais Daech pratique toujours l’extorsion, tire des
revenus des trafics de pétrole et probablement de tabac, engrange des rançons
d’enlèvements et reçoit des donations.
Des intermédiaires restent capables de faire transiter du cash entre l’Irak
et la Syrie, et des réseaux, notamment grâce au système traditionnel de
paiement informel du hawala, permettent d’envoyer de l’argent à l’étranger via la Turquie. Au
total, ses réserves s’élèveraient à environ 100 millions de dollars (85
millions d’euros). Un montant comparable à celui estimé par le secrétariat
général des Nations unies.