Les Frères musulmans et la réalisation d’un rêve persan vieux de 273 ans
Cynthia
Farahat
N’importe quelle
personne saine d’esprit souhaite une coexistence pacifique entre les sunnites
et les chiites, et entre tous les groupes et doctrines religieuses. Car le
sectarisme est un poison mortel pour toute nation qui aspire à la stabilité
sécuritaire et économique. Et de fait, les sunnites et les chiites
entretenaient une relation pacifique et privilégiée exempte de fanatisme et
d’excommunication, et fondée sur le respect mutuel et l’harmonie, durant la
première moitié du vingtième siècle. Et l’une des manifestations de cette relation
privilégiée fut le mariage de la princesse Fawziyya Fouad – sunnite – avec le
Chah d’Iran Mohammad Reza Pahlavi – chiite – en 1939. Elle devint ainsi la
reine d’Iran et fut acclamée par les peuples égyptien et iranien, lors de
festivités historiques retransmises par tous les médias du monde, et cela
jusqu’à leur divorce en 1948.
Ce n’est là qu’un
exemple du caractère privilégié de la relation entre les peuples sunnites et
chiites, qui a été exploité par une minorité de terroristes auteurs du projet révolutionnaire
de réveil islamique. Cette minorité rejetée était représentée en Egypte par
l’organisation des Frères musulmans, et en Iran par l’organisation des Fedayin
de l’islam dirigée par Navvab Safavi. Les deux parties se sont ainsi alliées
dans le cadre du projet dit de « rapprochement entre les doctrines »,
un nom trompeur, car les sunnites et les chiites étaient de fait proches les
uns des autres lorsque ce projet fut lancé. En effet, le rapprochement visé ici
était une alliance militaire contre leurs peuples qu’ils considéraient comme
mécréants, pour les réprimer et les dominer au nom de la religion. Car il
s’agissait d’une alliance terroriste dont le but était de détruire totalement
leurs pays, pour les remodeler selon leur conception erronée, que l’on voit
aujourd’hui dans le modèle afghan et soudanais, ces deux pays détruits
totalement par les Frères et gouvernés selon leur méthode. Et grâce à Dieu, le
projet frériste de destruction de l’Egypte a échoué, mais le projet terroriste
du réveil islamique en Iran a réussi en 1979, et a été la cause de la
répression d’un peuple aussi vénérable que le peuple persan, ainsi que de
vagues d’athéisme dans le pays, décrites par l’écrivain irano-allemand Ali Sadrzadeh
comme un « tsunami athée ». C’est ce qu’a proposé aux Iraniens, le
projet terroriste de réveil et de rapprochement en les faisant sortir de leurs
foyers et de leur religion.
Pour comprendre
la profondeur de la relation entre les Frères musulmans et les groupes
terroristes iraniens, il faut revenir en 1734, année où le Chah d’Iran Nader
Chah Afshar – surnommé le « Napoléon iranien » - organisa le premier
congrès officiel pour le rapprochement.
Après que Nader
Chah eut échoué trois fois à occuper les villes irakiennes, en 1733, 1734 et
1743, il s’orienta vers une solution doctrinale et organisa le Congrès de
Najaf, où il suggéra ces points résumés par l’historien Yahya Armajani dans son
livre « Iran » :
1.
Que
les Perses cessent d’insulter les califes bien guidés et de se flageller dans
les célébrations d’Achoura, et qu’ils acceptent les rites religieux sunnites et
prennent l’imam Jaafar ad-Sadiq comme le symbole de leur confession, tandis que
les sunnites accepteront le jaafarisme comme cinquième doctrine après les
quatre doctrines sunnites.
2.
Que
les Perses soient autorisés à accomplir les rites du pèlerinage selon la
doctrine jaafarite.
3.
Qu’ils
soient autorisés à être accompagnés par un représentant de l’Etat persan dans
les rites du pèlerinage.
4.
Que
les Ottomans et les Persans échangent leurs prisonniers de guerre.
5.
Qu’ils
échangent les ambassadeurs.
Si les demandes
de Nader Chah ne se sont pas alors réalisées et que le Congrès de Najaf a
échoué, le groupe des Frères musulmans les a réalisées avec Taqiy ad-Din al-Qomi.
Selon le livre de Tharwat al-Kharabawi, « les imams du mal », Taqiy
ad-Din al-Qomi a décidé de rencontrer Hassan al-Banna dès son arrivée en Egypte
en 1937. Et selon la revue iranienne Ijtihad, il a également rencontré le
cheikh d’al-Azhar Moustapha al-Maraghi, qui avait soutenu l’appel, et lui donna
l’occasion d’entrer en contact avec des oulémas comme le cheikh Abdel Majid
Salim, le cheikh Moustapha Abdel Razek et d’autres, qui furent à l’origine de
la formation du noyau de l’appel au rapprochement et de la Maison du
Rapprochement par la suite. Après le début de la seconde guerre mondiale, Taqiy
ad-Din retourna en Iran pendant une courte période, avant de revenir en Egypte
à la fin de la guerre, où il fonda la Maison du rapprochement entre les
doctrines islamiques au Caire en février 1947. Selon la revue Ijtihad, ses
membres fondateurs étaient : le cheikh Abdel Majid Salim, le cheikh
Moustapha Abdel Razek, le cheikh Mahmoud Chaltout, le cheikh Abdel Aziz Issa,
le cheikh Mohammad al-Hussein Al Kachef al-Ghata, As-Sayyed Abdel Hussein
Charaf ad-Din al-Moussawi, Mohammad Ali Alawiya Bacha, et Hassan al-Banna, et
Taqiy ad-Din al-Qami était son secrétaire général et son premier fondateur. Se
joignirent à eux par la suite le cheikh Ahmad Hassan al-Baquri, le cheikh
Mohammad al-Ghazali, et le cheikh Mohammad Metwalli ach-Chaarawi.
Seuls les
courants extrémistes avaient un intérêt politique dans la Maison du
Rapprochement, car lorsqu’elle fut fondée, les relations entre l’Egypte et
l’Iran étaient fortes, du fait que la reine d’Iran était une sunnite de la
famille royale d’Egypte. Mais il y avait d’autres buts qui n’avaient pas été
réalisés parmi les rêves de Nader Chah. Dès que la Maison du Rapprochement fut
fondée, Hassan al-Banna se mit à œuvrer pour réaliser l’un d’eux. Et en 1948,
il décida de résoudre un problème qui était survenu entre les sunnites et les
chiites en 1944. Les relations étaient jusqu’alors bonnes entre l’Arabie
saoudite et l’Iran, mais cette année, le gouvernement saoudien exécuta un
Iranien du nom de Sayyed Abou Taleb Yazdi après l’avoir accusé de profaner les
lieux saints. Les Iraniens affirmèrent que Yazdi avait eu un problème de santé
et avait craché durant les rites du pèlerinage, tandis que la version
saoudienne affirma qu’il était soûl durant le pèlerinage. Quoi qu’il en soit,
l’affaire provoqua une tension dans les relations saoudo-iraniennes.
Après la
fondation de la Maison du Rapprochement, Hassan al-Banna suggéra une solution
qui avait été proposée 200 ans plus tôt par Nader Chah. Ainsi, selon le livre
de Tharwat al-Kharabawi « les imams du mal », et une recherche de
Hadi Khasrochahi, ex-conseiller du ministre iranien des Affaires étrangères,
sous le titre « un examen de l’héritage idéologique et social du cheikh
Hassan al-Banna » : « La Maison du Rapprochement a publié un
livret sur les rites du pèlerinage, s’appuyant sur les quatre doctrines
sunnites et la doctrine chiite imamite, pour qu’apparaisse clairement l’accord
entre les doctrines islamiques sur les questions du pèlerinage également. Mais
malheureusement, les responsables du pèlerinage ont interdit le transport de
ces livrets au Hedjaz et lorsqu’on parla de cette affaire au cheikh Hassan
al-Banna, qui faisait partie des fondateurs de la Maison du rapprochement, il
suggéra une solution remarquable qui était d’ordonner la publication de toutes
les questions du pèlerinage selon les avis des jurisconsultes des doctrines
islamiques dans les journaux et de les envoyer par le biais des pèlerins
égyptiens au Hedjaz, où ils furent distribués aux pèlerins parlant au nom des
Frères musulmans, et cela eut un impact énorme sur l’unité entre les
musulmans ».
Et cela fut
effectivement une solution remarquable, car al-Banna se chargea ainsi de
réaliser le vieux rêve persan d’ajouter la doctrine jaafarite aux quatre
doctrines sunnites, et c’est ce que fit en 1960 le cheikh Mahmoud Chaltout,
lorsqu’il publia une fatwa officielle reconnaissant la doctrine jaafarite comme
cinquième doctrine.
Comme nous
l’avons dit, la coexistence pacifique entre sunnites et chiites est un bienfait
pour l’Egypte et le Moyen-Orient, car l’Occident n’a pas progressé avant
d’avoir rejeté le sectarisme hideux, et les guerres et le sectarisme sont un
cancer qui tue et divise tous les peuples, qui appauvrit et détruit les pays, et
la discrimination sectaire amène la destruction pour tous. Mais le projet de
rapprochement entre les Frères et l’Iran est un projet guerrier et terroriste, car
les Frères veulent monopoliser la relation avec leurs semblables parmi les
terroristes chiites, tout en déclarant mécréants les chiites et la majorité des
sunnites, selon la logique « diviser pour régner ». Oui à la
fraternité et à l’amitié entre sunnites et chiites, protestants, orthodoxes et
catholiques, et non, mille fois non, au projet de rapprochement frériste
terroriste impérialiste avec le premier gouvernement qui parraine le terrorisme
dans le monde à Téhéran.