Attentats en France : «Les islamistes sont dans une dynamique de conquête»
Le politologue Antoine Basbous décrypte le contexte international dans
lequel surviennent la décapitation de Samuel Paty à Conflans-Sainte-Honorine,
le 16 octobre, et l’attaque au couteau de Nice, ce jeudi matin.
Le fondateur de l'Observatoire des pays arabes et
politologue Antoine Basbous analyse la situation après les deux attentats
survenus en France en l'espace de deux semaines, et les situe dans la séquence
internationale particulière en cours.
Dans
quel contexte s'inscrit cette nouvelle attaque de Nice ?
Nous
sommes dans un contexte d'effervescence islamiste qui remonte à plus de trente
ans. La décapitation de Samuel Paty à Conflans-Sainte-Honorine et l'attaque au couteau de Nice en sont un nouvel épisode. Les islamistes sont dans
une dynamique de conquête et de séparatisme. Ils ne veulent pas que les « bons
musulmans » fréquentent la société française. Cette effervescence est alimentée
par le président turc, Recep Tayyip Erdogan, qui jette de l'huile sur le feu en essayant de faire de l'appel à l'ordre public de
la France une attaque contre l'Islam. Il faut dire et répéter que les musulmans
ont plus de libertés, notamment de conscience, en France, que dans leurs pays
d'origine.
Le
29 octobre est la fête du mawlid, la célébration de la naissance de Mahomet.
Cela peut-il avoir une signification avec l'attentat de Nice ?
Cette
fête ne fait pas l'unanimité dans l'islam et n'a été inscrite dans les agendas
islamiques que sur le tard. Est-ce que cela a une signification particulière?
Peut-être. Peut-être aussi que l' imminence du reconfinement a poussé à l'acte avant que les rues ne se vident.
Ce qui est sûr, c'est que Thabat, une agence proche d'Al-Qaïda, avait appelé en
octobre au djihad individuel avec des modes d'expression violents qui n'ont pas
besoin d'organisation, qui n'ont pas besoin d'être commandités depuis
l'Afghanistan ou le théâtre syro-irakien. Cet appel a été pris au sérieux par
le ministère de l'Intérieur qui a émis des recommandations aux préfets afin de
protéger les lieux de culte pour la Toussaint et par les imams qui ont condamné
l'assassinat de Samuel Paty.
Que
penser des tweets de Mahathir Mohamad, l'ancien Premier ministre malaisien, qui
estime que « les musulmans ont raison d'être en colère et de tuer des millions
de Français pour se venger des massacres d'autrefois » ?
Ce
qui est surprenant, c'est que l'islamisme asiatique a rarement été violent et
peu au diapason avec l'islamisme oriental. Si un ancien chef de l'exécutif de
la carrure de Mahatir adopte le discours de Daech, c'est inquiétant. Mais il est un baron de
l'internationale des Frères muslmans, pilotée par Erdogan et le Qatar et qui
attise la haine. Ces tweets sont une manifestation de solidarité idéologique et
intellectuelle à ses alliés.
Pourquoi
la France est-elle particulièrement visée par ces attaques ?
La
France a cette particularité d'avoir un système laïc, ce qui n'est pas
totalement compris dans le monde islamique. La laïcité est soit interprétée
comme de la faiblesse, soit comme une forme d'anti-religion et d'opposition à
l'islam. Par ailleurs, la France, qui a tordu le cou à l'Eglise à la
Révolution, s'est montrée étonnamment souple avec la mosquée. L'affaire initiale des foulards de Creil en 1989, et l'absence de décision ferme et
immédiate, a ainsi envenimé les choses avec ses débats interminables, au point
de faire passer la France pour un pays anti-islamique.
Quelles
solutions pour mettre un terme à cette frénésie terroriste dans le pays ?
Je
crois que la fermeté est la première réponse, et que la vigilance est la
deuxième. Tous ceux qui sont repérés comme de potentiels terroristes doivent
être surveillés, voire expulsés. Il faut que nous soyons confiants dans nos
valeurs. Il faudrait aussi faire un effort pour expliquer le concept français
de laïcité et éviter les interprétations tendancieuses. Il faut notamment
expliquer que la laïcité n'est pas contre la religion, mais pour la séparation de la foi et de l'Etat. En France, on peut être musulman sunnite, chiite,
athée. On peut exercer sa foi, ou l'absence de sa foi. Cette pratique existe
dans peu de pays musulmans, où l'autre est ostracisé car il est minoritaire.