Le Soudan divisé face à l’annonce d’une normalisation avec Israël
Depuis l’annonce d’une normalisation des
relations entre le Soudan et Israël, une partie des Soudanais soutient cette
décision, susceptible d’aider le pays à sortir des affres de la crise
économique, tandis qu’une autre fustige une trahison de la « cause
panarabe ».
Effectuée vendredi 23 octobre par le
président américain Donald Trump, cette annonce survient dans le sillage d’une
autre : celle du retrait prochain du Soudan de la liste « noire » américaine
des Etats soutenant le « terrorisme », sur laquelle
Khartoum figure depuis 1993.
Le Soudan réclamait de longue date sa
sortie de cette liste, synonyme de sanctions et d’entraves aux investissements
pour son économie, plombée par le manque de devises et un taux d’inflation
annuelle ayant dépassé les 200 %. Sa demande s’est accentuée après la
chute d’Omar Al-Bachir en avril 2019, sous la pression de la rue, et avec
l’émergence d’un pouvoir de transition. Combinée à la sortie de la liste
américaine, la normalisation avec l’Etat hébreu est désormais perçue par une
partie de l’opinion comme un moyen de briser l’isolement du Soudan.
L’accord va permettre « de
réintégrer la communauté internationale » et de faciliter le
dialogue avec « la Banque mondiale et le Fonds monétaire
international (FMI) », affirme l’analyste et rédacteur en chef du
quotidien Al-Tayar, Othman Mirghani. Plusieurs hommes d’affaires soudanais
espèrent aussi des retombées salutaires pour les entreprises et le commerce.
Ligne rouge
Le FMI prévoit une récession de 8,4 %
en 2020 au Soudan avec un rebond très limité l’an prochain (0,8 %).
Mais ces calculs, publiés à la mi-octobre, ne prennent pas en compte les
récents développements diplomatiques.
Dimanche, Khartoum a annoncé prévoir « dans
les semaines à venir (…) la signature d’accords de coopération dans les
domaines agricoles, commerciaux, économiques, de l’aviation et des
migrations » entre les deux pays. Le premier ministre israélien
Benjamin Nétanyahou a ensuite annoncé sur Twitter un envoi de blé d’une valeur
de 5 millions de dollars au Soudan et promis de travailler avec les
Etats-Unis pour « assister le pays dans sa transition ».
Mais une majorité de Soudanais reproche à
leurs dirigeants d’avoir franchi une ligne rouge en trahissant « la
cause panarabe » cristallisée autour des Palestiniens depuis la
création d’Israël en 1948. Un sondage réalisé en octobre par le Centre
arabe pour la recherche et la politique révélait que seuls 13 % des
Soudanais interrogés approuvaient l’établissement de relations avec Israël et
que 79 % s’y opposaient.
L’annonce de la normalisation est « contraire
au droit national et à l’engagement panarabe », juge Sadek Al-Mahdi,
dirigeant du parti Oumma.
Les chefs religieux soudanais ont été parmi
les premiers à décrier ce rapprochement. « Nous avons émis
une fatwa [avis religieux non contraignant] interdisant
la normalisation », a expliqué Cheikh Adel Hassan Hamza, secrétaire
général du principal conseil islamique.
Après la guerre des Six-Jours, qui a vu
en 1967 Israël s’emparer notamment de la Cisjordanie, de Jérusalem-Est et
de Gaza, plusieurs dirigeants arabes s’étaient réunis à Khartoum pour adopter
une résolution connue pour ses « trois non » : non à
la paix avec Israël, non à sa reconnaissance et non aux négociations avec
l’Etat hébreu.