Saad Hariri de retour dans le rôle improbable du sauveur du Liban
Lorsque Saad Hariri avait démissionné de son
poste de premier ministre du Liban, le 29 octobre 2019, après treize jours de manifestations antisystème, il avait présenté
sa décision comme une « réponse à la volonté des nombreux Libanais
descendus dans la rue ». Jeudi 22 octobre, quasiment un an jour
pour jour après ce retrait forcé, le même Saad Hariri a accepté, à
l’invitation du président Michel Aoun, de former un nouveau gouvernement, en
remplacement de Hassan Diab, démissionnaire depuis
l’explosion du port de Beyrouth, début
août. Le peuple libanais aurait-il changé d’avis en douze mois ?
Le chef de file des sunnites – la
communauté à qui revient le poste de chef du gouvernement en vertu du système
confessionnel libanais – se présente comme « l’unique et dernière
chance » de sauver le pays du Cèdre du gouffre économique et
social dans lequel il s’enfonce. Le jeune quinquagénaire, premier ministre à
déjà trois reprises depuis 2009, serait converti à l’urgence des réformes
exigées par le président français Emmanuel Macron lors de son double
déplacement estival au Liban. Des mesures sans lesquelles les bailleurs de
fonds du pays ne sortiront pas leur chéquier.
Le réprouvé de 2019 serait-il donc devenu
l’homme providentiel ? Non, ce qui a changé en un an, c’est que « la rue » devant
laquelle Saad Hariri avait prétendu s’incliner s’est vidée. Usés par les
bastonnades et les gaz lacrymogènes des forces de sécurité, pris à la gorge par
l’effondrement de la monnaie nationale, qui a anéanti leur pouvoir d’achat,
démoralisés aussi par leurs propres carences, les indignés de l’automne 2019
ont baissé les bras. Samedi 17 octobre, seulement deux ou trois mille
manifestants se sont retrouvés sur la place des Martyrs, dans le centre de
Beyrouth, pour célébrer les un an du soulèvement.