Liban : John Achkar, la révolution par la reconstruction
Située
au cœur du quartier de Geitaoui, à Beyrouth, une station-service désaffectée est
devenue le QG des volontaires. Sous son auvent brinquebalant, canapés, chaises
et tables à tréteaux ont été disposés pour permettre de distribuer l’aide.
L’arrière de la boutique a été transformé en cuisine et une sorte d’immense
four à pizza vient d’arriver. Sur une banderole en tissu, John Achkar et ses
amis ont écrit le nom qu’ils ont donné à leur lieu de rassemblement : « Nation
Station ». Car « si on peut reconstruire un immeuble tout seuls,
sans l’État, alors nous aurons montré que nous pouvons aussi reconstruire le
pays ».
Avant l’explosion du 4 août qui a ravagé le
port de Beyrouth et plusieurs quartiers de la ville, dont Geitaoui, ce long
jeune homme blond, âgé de seulement 29 ans, jouait déjà sur plusieurs tableaux
: consultant en entreprise et gérant de l’entreprise familiale de gadgets et
jouets, il est également comédien et s’est fait connaître grâce à ses
spectacles de stand-up.
Depuis, il a encore rajouté des cordes à son
arc : cofondateur de « Nation Station » et coordinateur de deux projets nés là,
dans les premières heures de la catastrophe, « Génération Nylon » pour bâcher
de plastique les vitrines et fenêtres éventrées, puis « Rise Up Lebanon » pour
aider les petits commerçants à rouvrir leur boutique.
Génération nylon
Le soir même de l’explosion, il est venu
visiter Joséphine et Mazen, un couple d’amis d’enfance restés dans le quartier
dont lui-même s’était éloigné de quelques kilomètres, pour leur demander de
quoi ils avaient besoin. Ils lui ont demandé des bâches. «
À plusieurs on s’est démenés pour trouver des fonds et, en quatre jours, on a
fourni des toiles de plastique à 4 000 familles », raconte John
Achkar entre deux boutiques dévastées.
«
Nos parents se sont moqués de nous et nous ont appelés ”Génération Nylon” ». Et c’est en voyant son oncle coiffeur,
complètement abattu devant sa boutique, qu’il a mesuré la nécessité de cibler
en priorité artisans et commerçants, nombreux dans ce quartier mixte et plutôt
populaire du centre de Beyrouth.
La plupart des volontaires qui
s’affairent à « Nation Station » ne se connaissaient pas il y a un mois. Mais
beaucoup ont déjà travaillé avec des ONG, pendant l’afflux des réfugiés syriens
en 2012-2013, voire – comme John lui-même – dès 2005, pour aider les victimes
du conflit israélo-libanais. « On a les méthodes »,
assure le jeune consultant, passé par plusieurs universités étrangères.
Trouver une activité génératrice de revenus
La distribution de nourriture à tout-va les
premiers jours a cédé la place à un « audit » des
besoins précis, sur la base de « critères de vulnérabilité » (nombre
et âge des membres de la famille, existence d’un revenu, etc.). Les longs
entretiens menés avec chacun sont aussi un moyen d’écouter les affligés, de les
aider à envisager l’avenir.
Chacun est invité à trouver une activité
génératrice de revenus, même les plus âgés qui peuvent «
fabriquer des conserves ou du yaourt, auxquels nous assurerons un débouché dans
les épiceries du quartier ». « Nous devons réussir à créer
un écosystème soutenable », résume le jeune homme, entouré de
poubelles de tri plutôt rares au Liban.