Publié par CEMO Centre - Paris
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"Il y a encore beaucoup à dire sur le trafic d'êtres humains en Libye"

lundi 12/octobre/2020 - 10:58
La Reference
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Photojournaliste d'origine mexicaine, Narciso Contreras expose à Bayeux (Calvados) dans le cadre du prix des correspondants de guerre. En s'appuyant sur l'une de ses photos, il détaille le contexte de son travail en Libye.

Narciso Contreras a couvert plusieurs conflits et leurs conséquences humanitaires, notamment en Syrie et au Yémen. Auréolé de la bourse de la fondation Carmignac, il séjourne en Libye entre février et juin 2016. Il documente alors la réalité des trafics d'êtres humains dans les centres aux mains de milices, loin de la capitale. Ses images nourrissent l'exposition collective "Libye : point de bascule" organisée à Bayeux.

"L'homme allongé par terre s'appelle Ibrahim Mussa. Nous sommes dans le centre de détention de la ville de Sorman, à l'ouest de Tripoli, en mai 2016. Il se tord de douleur parce qu'il a un cancer de l'estomac, au stade terminal. En plus, il n'a pas mangé les jours qui ont précédé cette photo. Son ami tente de l'aider à se relever, mais sa douleur est trop forte. Personne ne semblait pouvoir faire quoi que ce soit pour l'aider. Ils sont restés là jusqu'à ce qu'on les ramène à un bus avec un groupe et qu'ils soient emmenés quelque part, je ne sais pas où, même si j'ai bien posé la question. Cette image décrit à mon sens parfaitement les conditions dans lesquelles vivent les millions de migrants en Libye et les demandeurs d'asile, notamment ceux qui sont malades.

J'avais un droit d'accès de quinze minutes, et la première scène dont je suis témoin est celle de ces deux jeunes Africains. En réalité, le moment le plus critique de cette scène, je n'ai pas eu le droit de le photographier. Car il y avait des cadavres dans ce coin du camp où ils se trouvaient.

Ensuite, je suis entré dans l'enceinte principale de ce qui était une énorme usine désaffectée : des milliers de migrants y étaient enfermés. Parmi eux, des malades, sans accès aux soins. Je me suis entretenu avec quelques-uns. Puis les gardes libyens m'ont reconduit. Tout s'est passé très vite.

Rentrer dans ce genre d'endroit, administré par une milice libyenne et loin de la surveillance des autorités de Tripoli, est extrêmement difficile. Cela demande beaucoup de temps, des mois, et plusieurs séjours en Libye pour les atteindre. J'ai pu pénétrer dans ce camp par l'intermédiaire de différents contacts, notamment un collègue à Zawiya, qui avait un gros réseau. Il m'a aidé à rentrer en contact avec le commandant en charge de différents lieux de détention. Il a fallu suivre une sorte de protocole, que je m'entretienne avec le responsable de ce camp pour qu'il me connaisse. Ils m'ont accordé le droit d'interviewer deux détenus qui était en fait deux esclaves qui travaillaient pour le commandant. Je n'ai pu prendre ni notes, ni enregistrement, ni photos. Juste leur parler. Donc je n'ai pas pu inclure cet épisode dans ce projet photo.

Autre scène vécue : je rencontre un homme dans la vieille ville de Tripoli, qui est un énorme point de regroupement pour les migrants, clandestins ou non. Il est au téléphone avec un ami ou l'un de ses frères en détention dans un centre. Le commandant lui demande d'apporter de l'argent comme condition de sa libération. C'est un témoignage en direct et une preuve d'extorsion de fonds pour libérer un homme. J'ai collecté plusieurs témoignages de la sorte. C'est du trafic d'êtres humains.


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