« Puissance régionale à l’ambition gargantuesque, la Turquie d’Erdogan se moque du Kremlin et de la Maison Blanche »
Chronique. Il
n’a peur ni de Moscou ni de Washington. Imprévisible boutefeu de la scène
internationale, le Turc Recep Tayyip Erdogan, appétit de géant et culot musclé,
défie les grands de ce monde. Il illustre au Caucase une des réalités du
moment : les poids moyens tiennent les poids lourds en respect.
Où
est le leadership américain quand un des membres de l’OTAN, la Turquie,
réveille, sans prévenir ses « alliés », le front de guerre du Haut-Karabakh ?
Où est la prépondérance russe sur sa « zone d’influence »
traditionnelle quand, appuyée par la Turquie, une ancienne République
soviétique, l’Azerbaïdjan, en pilonne une autre, l’Arménie ? Puissance
régionale à l’ambition gargantuesque, la Turquie d’Erdogan se moque du Kremlin
comme de la Maison Blanche. De Vladimir Poutine comme du fiévreux Donald Trump.
Déclenchés
le 27 septembre par l’Azerbaïdjan, les combats se poursuivaient cette
semaine. Stepanakert, la « capitale » du Haut-Karabakh, enclave à
majorité arménienne en territoire azéri, est chaque jour bombardée par les
forces de Bakou. Le Haut-Karabakh, autoproclamé République indépendante, est
appuyé par l’Arménie voisine – pour ne pas dire qu’il en fait partie. Dans les
affrontements des années 1990, les forces arméniennes ont taillé alentour de
l’enclave et, pour la protéger, des zones tampons d’où des dizaines de milliers
d’Azéris ont été chassés par la force.
Moscou
observe
Quel
est l’objectif de Bakou ? Tenter de récupérer une partie du terrain cédé
dans les combats du siècle passé ? Relancer une négociation internationale
sur le statut du Karabakh ? Moscou observe, appelle au cessez-le-feu,
bref, hésite sur la conduite à tenir.
L’attaque azérie était préméditée, préparée à l’avance par des forces qui sont
traditionnellement équipées par la Russie. Entre Bakou et Moscou, les liens
sont sentimentaux aussi : le camarade « papa » Aliev,
Heydar, père de l’actuel président azéri, Ilham Aliev, était membre du
Politburo de l’URSS. Des liens ont été scellés, verre de vodka en main, en
chantant L’Internationale. Ce n’est pas rien.