Le Qatar finance-t-il le terrorisme ?
La question du
financement du terrorisme est au cœur de la crise qui secoue la région du Golfe
depuis le 5 juin. Dans l’oeil du cyclone, le Qatar fait l’objet ces
dernières années de critiques pointant du doigt sa politique bienveillante
envers les groupes sunnites radicaux, notamment Jabhat Al-Nosra, la branche
syrienne d’Al-Qaida
Depuis la série
d’attentats qui a frappé plusieurs pays occidentaux à partir de janvier 2015,
nombre d’analystes et de responsables politiques ont cru devoir attribuer la
prolifération du terrorisme d’inspiration djihadiste au Qatar. Bien qu’elle
même placée régulièrement sur la liste des suspects, l’Arabie saoudite a repris
à son compte ce récit pour justifier l’embargo
terrestre et aérien et les multiples sanctions mises en oeuvre contre
son petit voisin.
Pour évaluer la juste pertinence de ces accusations, il
faut d’abord rappeler que la cause fondatrice du chaos sur lequel s’est
développée, en Irak, la
première poussée djihadiste n’est autre que la militarisation de la diplomatie américaine
survenue en réponse au 11-Septembre. Mais il ne faut pas moins éclairer ensuite
les recoins du théâtre syrien qui a été, à partir de l’automne 2011, la seconde
matrice de la nouvelle vague de radicalisation.
LA SYRIE, TERRE D’INCUBATION DE LA POUSSÉE RADICALE
Lancé dans la foulée des autres soulèvements arabes, le « printemps
syrien » a, durant les
six premiers mois, gardé une tonalité essentiellement pacifique. À partir de
l’été 2011, la militarisation systématique par le régime de sa répression a
conduit à la contre-militarisation d’une partie de son opposition. Dès l’hiver
suivant, des pans entiers du territoire ont vu se développer des combats où
artillerie lourde et aviation causaient des bilans effroyablement lourds. C’est
dans le contexte de cette descente aux enfers que les pays du Golfe vont
inscrire leur mobilisation.
Encouragées par leurs opinions et les milieux religieux
de plus en plus sensibles à la brutalité de la répression, les pétromonarchies
décident à l’été 2011 de rompre leurs relations avec Damas. Si le Qatar, dont
l’émir achevait en 2011 la construction d’un monumental palais dans la banlieue
de Damas et qui s’était activé en coulisses pour faire accepter à Bachar
al-Assad l’option d’une prudente ouverture politique, abandonne un de ses
précieux alliés, Riyad reste prudent jusqu’à la fin 2011, prônant aussi le
compromis, mais voit ensuite d’un bon œil l’affaiblissement du plus puissant
allié arabe de son rival iranien. Avec l’escalade de 2012, partout dans la
péninsule, des voix s’élèvent pour donner aux coreligionnaires syriens les
moyens de se libérer d’un pouvoir de plus en plus sanguinaire. En février 2012,
le pas est officiellement franchi par le Premier ministre qatari Hamed Ben
Jassem qui appelle sur Al-Jazira à des mesures concrètes pour « sauver le
peuple syrien », parmi
lesquelles il évoque directement « l’armement de l’opposition ».