Tensions entre la Turquie et la France: "il faut à tout prix éviter un scénario de type Balkans"
Les tensions entre Athènes et Paris d'un côté et
Ankara de l'autre ne cessent de s'aggraver depuis
le lancement en août d'une campagne turque de prospection gazière dans
une zone contestée de Méditerranée orientale riche en hydrocarbures. Alors que
les deux camps rivalisent de manoeuvres militaires dans ce
secteur, la Grèce a annoncé ce week-end qu'elle allait acquérir 18 Rafale,
l'appareil de combat de Dassault aviation. De son côté, le président truc Recep Tayyip Erdogan, qui
avait qualifié la France de "caïd" après le déploiement mi-août de
deux Rafale français ainsi que de la frégate La Fayette dans la zone, a de
nouveau averti Paris samedi 12 septembre. "M. Macron, vous n'avez pas
fini d'avoir des ennuis avec moi. (...) Ne cherchez pas querelle au peuple
turc, ne cherchez pas querelle à la Turquie" a-t-il
lancé alors que dans le même temps l'"Oruç-Reis", navire turc au
centre de tensions, a regagné la côte turque ce week-end.
Le vice-amiral d'escadre (2s)
Pascal Ausseur, directeur général de la Fondation Méditerranéenne d'études
stratégiques (FMES) et ancien chef du cabinet militaire du ministre de la
Défense, décrypte pour Challenges ces tensions.
Challenges - Comment analysez-vous la stratégie française
en Méditerranée orientale?
Pascal Ausseur: Elle
a déjà le mérite d'exister. Le président de la République est lucide sur la
situation mais reconnaissons qu’elle n'est pas simple. La France et l’Europe
subissent la stratégie délibérée, planifiée et mise en œuvre avec talent par
Erdogan. Nous sommes donc placés en position de réaction. Mais malgré tout,
Paris s'est imposé comme un acteur clé de ce conflit. La volonté de fédérer une
partie de l'Europe, d'apporter une solution collective face à une Turquie de
plus en plus déstabilisatrice pour notre continent, est une excellente chose.
Il reste à voir si nos voisins vont nous suivre dans cette démarche. Pour
l'instant, le bilan est mitigé. Les pays du sud de l'Europe se mobilisent comme
on a pu le constater avec le récent sommet d'Ajaccio. Mais les autres regardent
ailleurs. Pour l'Europe du Nord, la Méditerranée orientale est un enjeu plus
que mineur. Notre principal partenaire, l'Allemagne, a également eu une
attitude très conciliante avec la Turquie ces dernières semaines liée à sa
culture stratégique, ses liens économiques avec la Turquie et bien sûr aux
presque trois millions de Turcs sur son territoire. Cette posture accommodante
n'est pas forcément la bonne option car face à des hommes politiques comme
Erdogan, qui ont un recours décomplexé au fait accompli et à la force militaire
et s’affranchissent du droit international, il faut au contraire savoir faire
preuve de fermeté.