Les intellectuels islamistes de Turquie ont renié leurs idéaux
Désormais au pouvoir, les adeptes de l’islam politique, qui se présentait à
la fin du XXe siècle comme une option authentique face à un modernisme importé et
répressif, ont basculé dans le populisme et un hideux nationalisme musulman,
estime le sociologue Mücahit Bilici.
Tout
observateur attentif de la Turquie contemporaine conviendra qu’aujourd’hui les
islamistes ne sont plus des intellectuels et que les intellectuels ne sont plus
des islamistes. L’image emblématique de l’intellectuel islamiste qui montait au
créneau dans tous les débats publics pour défendre la cause des opprimés
appartient au passé.
La
disparition relativement brutale des intellectuels islamistes de la vie
publique en Turquie est l’histoire non d’un retrait silencieux, mais d’une
chute spectaculaire. Et c’est en approchant d’un peu trop près le pouvoir
qu’ils se sont brûlé les ailes.
Les
tenants optimistes de l’islamisme, comme ses détracteurs circonspects,
nourrissaient la même idée : à savoir que l’islamisme revêtait un
caractère typiquement identitaire et s’accordait à admettre l’existence d’une
certaine vision musulmane du monde.
Les
islamistes assimilaient fièrement cette singularité imaginaire à leur identité,
tandis que les chercheurs sur le monde musulman mettaient en garde contre les
dangers politiques de cette différence culturelle radicale. Mais l’antagonisme
de ces deux clans n’a aucunement entamé leur conviction commune que l’islam
avait quelque chose de particulier à offrir.
D’abord un rejet du
modernisme occidental
Les
intellectuels islamistes se sont engouffrés dans la brèche structurelle que
leur a offerte le virage postmoderne de la pensée occidentale, par lequel la
culpabilité coloniale européenne a érigé même sans aucun fondement des
revendications