La vente sous le manteau de F-35 aux Emirats, condition de l’accord de paix avec Israël ?
Les bonnes relations politiques et économiques entre les
Etats-Unis et les Emirats arabes unis (EAU) ne datent pas d’hier, mais elles
ont pris une tout autre dimension depuis l’accession de Donald Trump à la
Maison-Blanche en 2016. Le prince héritier d’Abu Dhabi Mohammed Ben Zayed,
qui auparavant entretenait des relations privilégiées avec l’homme d’affaires
Trump, est parvenu, après l’élection de ce dernier, non seulement à imposer son
poulain Mohammed Ben Salmane comme prince héritier du royaume allié d’Arabie
saoudite, mais aussi à faire accepter l’isolement du Qatar au sein des pays du
Golfe en lui collant l’étiquette sparadrap de « soutien au
terrorisme ». Mais au-delà du président Trump, et pour des raisons
facilement compréhensibles, c’est son gendre Jared Kushner qui a poursuivi le
travail et officié dans l’ombre de son beau-père pour renforcer davantage
encore la coopération entre les deux pays, quitte à franchir parfois la ligne
rouge.
Dernière révélation en date venant de CNN : Kushner, qui ne le nie pas, a largement été impliqué
dans la négociation avec Abu Dhabi pour l’achat d’armes de très haute
technologie, notamment des avions de combats furtifs F-35, ceux-là même
qu’utilise Israël, et des drones de haut vol. Problème : normalement, les
Etats-Unis ne sont pas autorisés à vendre un tel armement à des alliés
traditionnels des Occidentaux sans l’accord du Congrès et par un passe-droit.
Le gendre du président affirme pourtant que les
négociations ont été menées par Miguel Correa, le directeur général du National
Security Council (NSC) pour le Moyen-Orient. Quand bien même, le commerce de
tels équipements militaires devrait faire l’objet, selon la Constitution
américaine, d’un examen minutieux du Congrès. Mais les agences concernées et
les différents comités du Congrès qui ont finalement eu vent de l’opération ont
protesté en vain contre leur éviction dans le processus de décision, ce qui
constitue un cas flagrant de violation de la loi. Le bureau du département d’Etat
qui gère les ventes d’armes n’a pas été officiellement informé d’une demande
d’achats des Emirats, qui est nécessaire pour déclencher un processus d’examen
formel, ont déclaré des responsables du département d’Etat à CNN.
« L’accord
du siècle » de Trump au Proche-Orient, un plan de paix aux bases fragiles
Cela signifie donc que, non seulement Jared Kushner
blacklistait le Qatar, qui lui a refusé en 2017 un prêt pour sauver l’un
des immeubles de la Kushner Companies, l’empire immobilier fondé par son père
Charles, mais qu’en plus, par la suite, il contournait l’Etat et la
Constitution pour mieux se rapprocher d’Abu Dhabi. Au nom de l’intérêt
national ? Pas tout à fait. Entendons bien qu’en plus d’arrangements
particuliers, la tradition du Golfe dans ce genre de deal classique est la
suivante : 15 à 30 % de commissions sont reversées sur les ventes
d’armes pour les familles régnantes d’une part, dont une partie, totalement
illégale bien sûr, revient en rétrocommissions au vendeur (hommes politiques,
management des sociétés d’armements qui passent par des montages financiers
hypercomplexes). Lors d’une conférence de presse, mercredi 19 août
dernier, Donald Trump a déclaré que la vente potentielle était en réalité
encore « en cours d’examen », alors
que deux responsables du Département d’Etat et plusieurs assistants du Congrès
protestaient contre l’opération clairement cornaquée par Jared Kushner. Pour
Trump, aucun problème ne semble se poser, même pour un tel matériel de haut
niveau, du moment qu’Abu Dhabi a les moyens de payer la facture.