Des doutes sur la découverte de gaz par la Turquie
L’annonce
la semaine dernière par le président Turc Recep Tayyip Erdogan de la
découverte d’une gigantesque réserve de gaz dans les eaux territoriales du
pays dans la mer Noire a été accueillie avec un certain scepticisme par de
nombreux experts. Pour plusieurs d’entre eux, cités notamment par le
Wall Street Journal, l’annonce tient plus de la propagande que
d’informations vérifiables. «La Turquie a réalisé la plus grande
découverte de gaz de son Histoire, en mer Noire… Notre navire de sondage Fatih
a découvert une réserve de 320 milliards de m3 de gaz naturel dans le puits
Tuna-1… Notre objectif est de mettre ce gaz naturel à la disposition de
notre nation à partir de 2023», a déclaré Erdogan.
Le
ministre turc de l’économie, Berat Albayrak, le gendre de Erdogan, a ajouté que
la découverte de gaz en mer Noire devrait permettre d’éliminer le déficit de la
balance courante du pays. Le pays traverse une profonde crise économique et la
livre turque a perdu 20% de sa valeur sur les marchés de change depuis le début
de l’année.
L’exploitation
de ce gisement réduira la dépendance du pays envers les importations d’énergie,
notamment de Russie, d’Azerbaïdjan et d’Iran. Reste à savoir dans quelle
proportion et quand? L’an dernier, les importations d’énergies ont coûté à la
Turquie 41 milliards de dollars dont 12 milliards pour le gaz (45
milliards de m3). Depuis le début de l’année, la production de pétrole et de
gaz du pays a représenté respectivement 9% et 2% de sa consommation.
Un
passé de fausses annonces spectaculaires
Des doutes existent à la fois sur l’importance réelle des
réserves découvertes, sur la possibilité de les exploiter en eau profonde, à
3500 mètres, et sur la possibilité de pouvoir commencer à extraire du gaz dans
seulement trois ans. À plusieurs reprises au cours des dernières décennies, des
membres du gouvernement turc ont fait des annonces aussi spectaculaires qui se
sont avérées fausses. Il en est ainsi par exemple, de l’affirmation que 10
milliards de barils de pétrole attendaient à être découverts au fond de la mer
noire.
Pour Ulrich Leuchtmann, économiste de la
Commerzbank, la découverte est indéniablement une bonne nouvelle pour la
Turquie. «Mais
il ne s’agit pas de quelque chose susceptible de changer profondément l’économie
du pays comme certains l’ont annoncé». Des articles annonçaient
même que les réserves étaient suffisantes pour répondre aux besoins d’énergie
de la Turquie pendant 20 ans. Il ajoute qu’il faut en général une
décennie pour exploiter à plein régime un gisement qui vient juste d’être découvert
et qu’en l’état actuel de son potentiel il ne permettrait pas de combler le
déficit de la balance des paiements turque.