« Un processus vertueux peut s’enclencher en Libye »
Les dirigeants des autorités
rivales de l’Est et de l’Ouest libyen ont annoncé, le 21 août, un
cessez-le-feu et la tenue d’élections parlementaires. La diplomatie
internationale a œuvré en ce sens, selon Jalel Harchaoui, chercheur à
l’institut néerlandais de relations internationales Clingendael.
Fayez Al Sarraj, qui préside le gouvernement
dit d’union nationale (GNA) à Tripoli, et Aguila Salah, qui dirige le Parlement
réfugié à Tobrouk dans l’Est libyen, ont chacun publié un communiqué le 21 août
pour annoncer un cessez-le-feu et l’organisation à venir d’élections
parlementaires.
Peut-on croire à la cessation des hostilités entre ces autorités rivales ?
Jalel Harchaoui : En
juin, la tension était fortement montée dans le centre et l’est de la Libye. Le
gouvernement de Tripoli et la Turquie, qui le soutient, étaient euphoriques
après la reprise de la capitale et le retrait des troupes de l’Armée nationale
libyenne (ANL) du maréchal Haftar de la Tripolitaine. Les forces du
gouvernement de Tripoli se voyaient conquérir la ville de Syrte, qui ouvre la voie
au croissant pétrolier, et ainsi dominer le pays.
Afin d’empêcher la prise de cette ville clé,
les Russes, aidés des Émiriens sur le plan logistique, ont mené une vaste
opération de dissuasion en déployant d’imposants moyens militaires. Et le
président égyptien Al Sissi déclarait le 20 juin qu’il était prêt à envoyer des
troupes en soutien à l’ANL.
Un intense ballet diplomatique a œuvré au
ralentissement de cette dynamique ces dernières semaines. Le soutien du Caire
au cessez-le-feu annoncé du 21 août est la nouvelle donne la plus remarquable.
Cela permet à l’Égypte – d’abord focalisée sur son conflit avec l’Éthiopie
autour du grand barrage sur le Nil – de renoncer à intervenir officiellement
tout en préservant son image.
Les États-Unis se sont également activés sur
le plan diplomatique. Et sur le registre « qui ne dit mot consent », la Russie
et la Turquie ont gardé le silence, soucieuses de conserver chacune leurs zones
d’influence. Alors, certes, cette initiative de paix peut vite échouer, comme
d’autres, mais le potentiel est là malgré tout pour que s’enclenche un
processus vertueux.
Le maréchal Haftar, dit « l’homme fort de l’Est libyen », est-il hors jeu ?
J. H. : Il y avait
une volonté partagée, à Moscou et au Caire, de marginaliser le maréchal,
impulsif et incontrôlable. La Russie et l’Égypte n’ont pas ménagé leur peine
pour qu’il se taise et qu’il soit dans l’incapacité de prendre des initiatives,
aussi bien sur le plan politique que militaire.