Coronavirus : Les anti-masques en France représentent-ils un risque ?
Un masque inutile, dangereux, liberticide, symbole d’un complot du lobby pharmaceutique, d’une volonté politique d’imposer une dictature ? Si des villes des Etats-Unis, mais aussi Bruxelles, Berlin ou encore Madrid ont vu défiler des citoyens qui refusent de porter un masque contre le coronavirus quel que soit le contexte, en France, le mouvement essaime sur la Toile uniquement. Pour le moment.
Un mouvement diffus
Longtemps présenté comme « inutile » par les autorités, le masque est devenu obligatoire dans les lieux publics clos le 20 juillet dernier. De plus en plus de villes l’imposent en extérieur et il devra être porté tout le temps en open space dans les entreprises à partir du 1er septembre. De quoi alimenter les doutes et théories complotistes ?
Créé en mai, le groupe Facebook « anti masque obligatoire » s’est étoffé ces dernières semaines, comptant le 19 août plus de 6.500 membres. Il n’existe pas encore d’étude sur ce mouvement naissant, mais deux enseignants, qui se penchent depuis quelques semaines sur ce phénomène, donnent quelques clefs pour mieux le comprendre. « C’est un agrégat de profils variés, dans lesquels on retrouve ce qu’on appelle la fachosphère et la complosphère, sachant que ces groupes se recoupent, souligne Tristan Mendès-France, maître de conférences associé à l’Université de Paris, spécialiste des cultures numériques. Mais il y a aussi des profils extrémistes écologistes, des anti-vaccins… »
A la différence du mouvement anti-masque américain, il reste compliqué de définir les contours de cette communauté. « C’est un mouvement diffus, latent, polymorphe, sans leadership ou figure identifiée, ajoute Jocelyn Raude, enseignant chercheur en psychologie sociale à l’école des Hautes Etudes en Santé Publique. Aux Etats-Unis, c’est très clair, il existe une polarisation avec les républicains pour la liberté, les démocrates pour l’imposition du masque. En France, on observe plutôt une courbe en U. Si idéologiquement, vous êtes proche des partis en place, vous êtes favorable à l’ensemble des mesures contre le coronavirus. Les proches des partis de contestation, LFI, RN, Lutte ouvrière ou des "gilets jaunes", défendent davantage les libertés publiques. »
Gare aux amalgames
Quel est le poids de ces militants ? Difficile à dire. Mais il ne doit pas gommer le comportement discipliné de l’immense majorité des Français. Début août, un sondage YouGov pour le HuffPost dévoilait ainsi que 84 % des Français étaient prêts à porter un masque en extérieur. « On a observé, à notre grande surprise, l’adoption massive et généralisée des mesures barrières, reprend Jocelyn Raude. Alors que le masque est culturellement très mal accepté en France, il reste associé au banditisme ou au fondamentalisme religieux. Avec cette pandémie, on a vu un revirement culturel important et durable. »