5G : « La France est le seul pays à être aussi en retard »
C’était la grande priorité du gouvernement. Quand la loi 5G arrive au parlement, les sénateurs sont invités à faire vite. Il n’y aura qu’une seule lecture, après quelques semaines d’auditions.
« J’ai un peu de mal à comprendre pourquoi ce texte, censé être hyper urgent pour maintenir la compétitivité de la France, est soudain freiné », s’agace la rapporteure du texte au Sénat, Catherine Procaccia. L’élue (LR) du Val-de-Marne s’inquiète pour le développement de la nouvelle génération de téléphonie mobile en France.
« Les textes d’application ont été adoptés avec deux mois de retard, et les premières décisions d’application de la loi ont été rendues près d’un an après sa publication ! », assure la sénatrice. « On commence à prendre vraiment du retard. »
« Une loi anti-Huawei »
Depuis le départ, le gouvernement semble tiraillé entre la volonté de développer au plus vite cette technologie, présentée comme l’avenir des réseaux de télécommunication, et les inquiétudes suscitées par le géant chinois, Huawei.
« Quand la loi 5G est arrivée au Sénat, c’était en réalité une loi anti-Huawei », affirme Catherine Procaccia, qui dit craindre que cette opposition à l’équipementier chinois ne freine le développement de la téléphonie dans les zones blanches françaises.
Le ministre de l’Économie, Bruno Lemaire, a de son côté assuré qu’il n’y avait pas de « discrimination » envers Huawei. Contrairement à la Grande-Bretagne, la France ne compte pas interdire le recours au groupe chinois, mais le gouvernement souhaite inciter les opérateurs français à se lier aux concurrents du géant asiatique : Nokia et Erickson.
Le risque d’une « porte dérobée »
Ces deux équipementiers, présentés comme des fleurons européens, sont également détenus par des capitaux américains, observe cependant Catherine Procaccia. Or, « le problème de sécurité se pose avec tous les opérateurs, estime-t-elle. Pour l’instant, ce sont les États-Unis qui ont beaucoup espionné. »
Le patron de la DGSE avait bien souligné, lors de son audition au Sénat, que « tout le monde espionne tout le monde ». Les craintes des agences de renseignement occidentales concernent une éventuelle « porte dérobée » dans les équipements Huawei. Cela permettrait au gouvernement chinois de collecter des informations sensibles, voire confidentielles, en s’introduisant dans nos systèmes de télécommunication.
Mais, pour Catherine Procaccia, ce risque serait actuellement maîtrisé : « On peut se méfier de Huawei du point de vue de la sécurité, mais cet équipementier n’a jamais équipé aucun cœur de réseau et il n’en est pas question. »
Seulement trois équipementiers dans le monde
Pour l’heure, le groupe chinois est supposé développer le réseau de distribution de la 5G, hormis autour de sites considérés comme sensibles. « Que l’on interdise Huawei près de sites sensibles comme la base navale de Toulon, oui, mais on ne peut pas refuser cet équipementier dans toutes les grandes villes », déclare la sénatrice LR.
« Il n’y a que trois équipementiers, donc on risque de se retrouver pieds et poings liés avec un seul équipementier », poursuit-elle. À ce jour, seuls SFR et Bouygues dépendent de Huawei : près de 50 % de leurs équipements ont été fournis par l’entreprise chinoise. Free n’en utilise pas et Orange seulement à la marge.
Des problèmes de compatibilité
Or, en raison de la Loi 5G, les opérateurs téléphoniques vont être obligés de trouver un équilibre entre les trois équipementiers Huawei, Nokia et Erickson.
Un problème de taille, selon la rapporteure du texte au Sénat : « "Panacher" ses équipements est très compliqué : il y a des problèmes de compatibilité, de la même manière qu’on ne peut pas remplacer telle pièce d’une machine à laver avec une pièce d’une autre marque », explique-t-elle.
Pour la sénatrice, les craintes suscitées par l’arrivée de Huawei en France ont été « exacerbées par la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis ».