Erdogan, le croquemitaine
Il est difficile de trouver des circonstances atténuantes à un Erdogan qui, quatre ans après le coup d’Etat qui a failli l’emporter, a rempli les prisons de son pays, a pratiqué des purges à outrance, et a envenimé de nouveau, sans doute pour très longtemps, les relations des Turcs avec les Kurdes, fussent-ils de Turquie ou de Syrie. Pourtant, les critiques à l’encontre de cette figure incarnant les nouvelles «démocraties illibérales» auraient plus de poids si elles s’accompagnaient d’une fermeté, en matière de défense des valeurs, qui fait aujourd’hui cruellement défaut loin à la ronde.
Un Erdogan qui «islamise» Sainte-Sophie? L’image n’est pas très éloignée, en réalité, de celle d’un Donald Trump empoignant la Bible alors que les policiers autour de lui jouent de la matraque. Tétanisés par la peur d’un nouvel afflux de réfugiés, incapables en outre de trouver la moindre solution en Libye, c’est-à-dire à leur porte, les Européens manient eux aussi tout ce qu’ils peuvent, sauf la cohérence en matière de principes et de valeurs. Quant à Emmanuel Macron, impossible de ne pas voir, dans ses déclarations virulentes contre le président turc, le reflet de ses propres faiblesses, à l’heure où la France se cabre sur «la défense de la République» et s’en prend de toutes sortes de manières au communautarisme, avant tout musulman.
La Turquie affirme aujourd’hui, de manière très agressive, sa projection internationale hors de la sphère européenne. Cela ne devrait pas surprendre une Europe qui, pendant longtemps, n’a pas voulu de la Turquie sans jamais vraiment oser se le dire à haute voix. Mais aujourd’hui, elle ne peut pas se laisser faire et doit se forcer à jouer jeu égal.