La Grèce et la Turquie se toisent en Méditerranée pour quelques barils de pétrole
Concrètement, depuis ce printemps, au début de la pandémie de Covid-19, les relations diplomatiques sont sur le point de dégénérer en conflit ouvert entre les deux pays. La Turquie menant depuis 2019 sa guerre en Syrie pour anéantir les poches de résistance kurdes et ainsi placer une partie du pays sous son contrôle, elle joue le rôle qu’on déteste lui voir jouer: servir de porte d’entrée en Europe en libérant de son territoire des millions de migrants – principalement syriens et afghans – pour faire pression sur Bruxelles.
La Grèce submergée
Résultat: la Grèce est submergée par une vague migratoire sans précédent où 10 000 migrants ont été refoulés du territoire par la police avec le soutien de l’armée. Mais à cela s’ajoute maintenant le fait que dans le cadre de ses activités d’exploration d’hydrocarbures, la Turquie a annoncé le déploiement de son vaisseau Oruc Reis en Méditerranée orientale. Du coup, la Marine grecque a envoyé, elle, des navires en mer Egée et annoncé ceci:
Des préparatifs renforcés pour répondre à toute activité
«Athènes craint un retour au scénario chaotique de mars dernier», lit-on sur le site de la Tribune de Genève,lorsque l’UE avait «accusé la Turquie d’utiliser les migrants comme outils de chantage». Côté grec, on redoute que ce «chantage» soit aussi utilisé dans le «dossier hautement sensible […] des hydrocarbures.» Car il paralyse Bruxelles, estime le quotidien libanais L’Orient-Le Jour.
Athènes a déjà protesté officiellement contre ces mouvements proches de l’île grecque de Kastellorizo. Mais Ankara affirme que la zone maritime où les explorations sont conduites se trouve «entièrement sur le plateau continental turc, tel que déclaré aux Nations unies», selon Hami Aksoy, porte-parole du ministre des Affaires étrangères. La Turquie conteste que cette île «large de 10 km², à deux kilomètres seulement de la côte turque et à quelque 600 km du Péloponnèse» constitue un enjeu territorial. D’aucuns pensent qu’elle désire l’annexer.
Ce qui est considéré, à Bruxelles, comme «un mauvais message», puisque la Turquie, candidate à une adhésion à l’UE, est censée «s’engager sans équivoque pour des relations de bon voisinage». Elle a déjà condamné ces «forages illégaux». De son côté, Athènes dénonce l’accord turco-libyen signé l’année dernière, sur le partage des espaces maritimes entre Ankara et le gouvernement de Tripoli.
Le gouvernement grec estime que cet accord vise à accroître l’influence de la Turquie en Méditerranée, où Ankara a également effectué des forages exploratoires à proximité de Chypre, à l’ulcération générale. Mais depuis le début de la semaine, la tension est encore montée d’un cran après qu’Ankara a dépêché, en plus de l’Oruc Reis, 18 navires de guerre dans les eaux territoriales grecques en vue de protéger son vaisseau.
Depuis, la Grèce est en état d'«alerte», a titré Ta Nea en une, et Courrier international constate que toute la presse du pays est unanime sur ce qu’elle appelle une «provocation d’Ankara en mer Egée». Le quotidien ajoute que «le gouvernement grec […] a rappelé ses soldats et gelant tout congé militaire». Il n’en a pas fallu davantage pour que la chancelière allemande, Angela Merkel, demande poliment, par téléphone, aux deux parties de se calmer.
Ce, en vue de son «salut politique personnel», analyse l’hebdomadaire polonais Polityka: «Sa domination politique en Turquie repose davantage sur ses étonnants succès économiques que sur sa politique conservatrice. On le voit bien aujourd’hui: depuis que les problèmes économiques ont commencé, sa popularité et celle de son parti ont fortement reflué. Les calculs froids jouent un rôle important: Erdogan n’aurait pas gagné les deux dernières élections s’il n’avait pas passé d’alliance avec les nationalistes – qu’il combattait encore, du reste, lors de son premier mandat gouvernemental.