L'odieux chantage d'Erdogan envers l'Europe
"Erdoğan est en train de récolter ce qu’il a semé. Et la Turquie est menacée d’un désastre » titre The Guardian. Sous la plume de son spécialiste du Moyen-Orient, Simon Tisdall, le grand quotidien de gauche écrit que le président turc est victime de son hubris. De son côté, Judy Dempsey, la responsable Europe du département Europe du think tank Carnegie, annonce d’avance que "le prix que va devoir payer la Turquie" pour la guerre qu’elle mène en territoire syrien sera "très élevé".
Les imprudences d'Erdoğan
Au nom des gloires passées d’un empire ottoman dont il se croit l’héritier en ses palais, le néo-sultan Erdoğan est intervenu bien imprudemment dans les anciennes colonies de la Turquie – en Syrie, d’abord, en Libye, plus récemment. Mais il ne va pas tarder à réaliser qu’il n’avait pas les moyens de ses ambitions.
Ce n’est pas parce que l’Occident fait preuve, sur ces terrains, d’une réserve qui frise la passivité, comme le soulignait hier encore le président chypriote Nicos Anastasiades, que l’apprenti dictateur turc peut tout se permettre. Il n’est pas le maître du jeu. En Syrie, celui qui décide aujourd’hui, c’est Vladimir Poutine, le néo-tsar d’un autre empire, rival traditionnel de la Turquie. Or, le Russe n’a pas les mêmes intérêts. Et il est militairement beaucoup plus puissant.
Reprenons depuis le début. Erdoğan a cru pouvoir prendre la tête des Printemps arabes, en renversant le dictateur syrien Bachar el-Assad. Il a d’abord mené contre son voisin une guerre par procuration, en équipant et en appuyant par toute sorte de moyens des groupes armés islamistes. Il a accueilli volontiers sur son sol tous les candidats européens au djihad en Syrie, les aidant à passer la frontière pour aller terroriser les populations de l’autre côté.
Ensuite, il a décidé d’aller chasser de leurs enclaves du nord-est syrien les Kurdes et leurs alliés arabes qui s’y étaient taillé un abri. Donald Trump l’a laissé faire, trahissant les Kurdes, fers de lance du combat des forces anti-Assad démocratiques.
Vladimir Poutine, une fidélité sans faille à l'allié syrien
Mais Poutine, lui, est bien décidé à garder la Syrie. A travers l’opération de force qu’il a conduite au profit de son protégé Bachar el-Assad, il cherche à montrer à l’opinion mondiale que la Russie, elle, n’abandonne jamais ses alliés, même les moins présentables.
En liaison avec l’armée iranienne et ses supplétifs, et avec ses propres forces spéciales au sol, le président russe procure à l’armée syrienne de reconquête un appui aérien essentiel. C’est à ce renfort que le dictateur syrien doit d’avoir reconquis l’essentiel d’un pays qui s’était révolté contre lui. Au prix de crimes de guerre contre les civils sur lesquels l’opinion publique occidentale a préféré fermer pudiquement les yeux mais que l’ONU vient de dénoncer, preuves à l’appui. Le rapport de la commission d’enquête sur la Syrie mentionne en particulier le bombardement aérien du marché de Maarat al-Noman dans le sud de la province d’Idlib.