La Turquie d’Erdogan se comporte désormais à l’instar de ses ancêtres barbaresques, en monnayant la vie de milliers de réfugiés
En ouvrant les vannes de son pipeline migratoire, Erdogan rend ainsi caduc le pacte conclu en 2016 avec Bruxelles, aux termes duquel le gouvernement turc s’était engagé, contre 6 milliards d’euros, à lutter contre les franchissements illégaux. «État pirate en Méditerranée orientale», selon le communiqué de la présidence chypriote, à la suite de l’envoi au large de Chypre en janvier 2020 de navires turcs de forage gaziers, la Turquie d’Erdogan se comporte désormais à l’instar de ses ancêtres barbaresques, en monnayant la vie de milliers de réfugiés. Pour avoir subi les conséquences électorales de son accueil de plus d’un million de demandeurs d’asile en 2015-2016, la chancelière allemande ne s’y est pas trompée cette fois-ci: «Il est inacceptable qu’Ankara fasse pression sur l’Europe sur le dos des réfugiés».
Si grave soit-elle pour la sécurité et la paix civile en Europe, notamment en Grèce et en Bulgarie, l’ouverture des frontières turco-grecques est une manœuvre bien moins périlleuse que l’objectif à peine dissimulé d’Erdogan: entraîner l’Europe dans un conflit armé direct avec l’axe russo-syrien. Car, tel est finalement le dessein tactique mais aussi stratégique d’Erdogan. Et ce en dépit de son rapprochement conjoncturel avec la Russie, notamment en lui achetant en 2019 des missiles antiaériens S-400, au grand dam de son allié historique américain ainsi que de l’OTAN dont la Turquie est membre depuis 1952. Ce faisant, Erdogan avait franchi le Rubicon: la Turquie a été exclue du programme d’acquisition et de fabrication des avions furtifs F -35 ; et le Congrès et le Sénat américain ont passé une résolution qualifiant de génocide le massacre des Arméniens de Turquie en 1915. En réplique, Erdogan a menacé de fermer l’accès des Américains aux bases de l’OTAN localisées à Incirlink et Kürecik, ce qui a poussé les États-Unis à explorer leur transfert en Grèce ou même en Arabie Saoudite.