Publié par CEMO Centre - Paris
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Mali : l'opposition malienne dit « non » à la Cedeao

samedi 18/juillet/2020 - 10:06
La Reference
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Déjà six semaines que pouvoir et opposition peinent à s'entendre pour sortir le pays de la crise. Le mouvement de contestation malien a rejeté samedi la proposition de former un gouvernement d'union nationale formulée par la mission de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest. Cette médiation d'experts menée par l'ancien président nigérian Goodluck Jonathan est sur place depuis mercredi pour tenter d'apaiser les tensions. Parmi les pistes de solutions rejetées d'emblée par le M5 le maintien au pouvoir du président Ibrahim Boubacar Keita, dont il continue de réclamer la démission. Jusqu'à tard encore vendredi 17 juillet, l'équipe de médiateurs a rencontré le Mouvement du 5 juin (M5-RFP), l'alliance qui défie le pouvoir dans la rue. L'imam Mahmoud Dicko, personnage incontournable du Mouvement du 5 juin, a même été reçu séparément par la délégation de l'institution sous-régionale. « On s'est vraiment parlé en frères et en Africains et j'ai espoir que, Inch'Allah [si Dieu le veut], quelque chose va sortir de cela, qui va redonner au Mali sa grandeur », a dit l'imam, qui passe pour avoir fédéré des oppositions anciennes, dont bon nombre d'acteurs ont activement participé au système qu'elles dénoncent.

Les points d'achoppement

Mais les leaders du M5, alliance hétérogène de chefs religieux et de personnalités du monde politique et de la société civile, ont usé d'un ton moins conciliant. « Les propositions de solutions de la mission de la Cedeao ne correspondent absolument pas aux aspirations et attentes exprimées par le M5-RFP et portées par l'écrasante majorité du peuple malien », a signifié le mouvement dans un communiqué à l'issue de la réunion qui s'est achevée tard dans la nuit.

Lors de cette réunion, la médiation de la Cedeao, qui tente d'empêcher que la crise politique au Mali ne s'aggrave encore et d'éviter une nouvelle effusion de sang, a proposé un plan de sortie de crise en plusieurs points, selon le M5-RFP. Outre qu'il prévoit expressément le maintien du président Keïta dans ses fonctions, le plan propose aussi une recomposition de la Cour constitutionnelle, qui a fait déborder la colère en invalidant une trentaine de résultats des législatives de mars-avril, un réexamen du contentieux électoral et un gouvernement d'union nationale.

Lors de cette réunion, le M5-RFP a « réitéré ses demandes […] notamment la démission de M. Ibrahim Boubacar Keita », mais la Cedeao a fait savoir que cette démission était « pour elle une ligne rouge », poursuit le mouvement dans son communiqué.

Le M5 ne lâche rien de ses revendications

Selon le M5-RFP, les propositions de la médiation « ne tiennent aucunement compte du contexte sociopolitique et des risques majeurs que la gouvernance d'Ibrahim Boubacar Keïta fait peser sur l'existence même du Mali en tant que nation, république et démocratie ».

Il regrette aussi qu'elles soient identiques à celles déjà formulées par le chef de l'État, qu'il les a déjà rejetées.

Dans un climat d'exaspération nourrie depuis des années par l'instabilité sécuritaire, le marasme économique ou encore une corruption jugée endémique, la troisième grande manifestation le 10 juillet contre le président IBK à l'appel du M5-RFP a dégénéré en trois jours de troubles sanglants.

La foule a attaqué le Parlement et la télévision nationale, des rues se sont dressées de barricades et différents quartiers ont été le théâtre de saccages et d'affrontements entre lanceurs de pierres et forces de sécurité tirant à balles réelles.

La confrontation a fait 11 morts, selon le Premier ministre Boubou Cissé. Une division de la mission de l'ONU dans le pays (Minusma) parle de 14 manifestants tués, dont une femme et deux garçons. Le M5 va jusqu'à évoquer 23 morts.

Les autorités ont été critiquées de toutes parts pour un usage excessif de la force. « Malheureusement, il y a eu des dérapages, c'est très regrettable ce qui s'est passé et nous nous en excusons. Évidemment, une enquête judiciaire sera ouverte », a dit le Premier ministre à la chaîne France 24. « Toute la lumière sera faite « et les » sanctions nécessaires » seront prises, a-t-il promis.

Le Mouvement du 5 juin, qui canalise des mécontentements multiples et profonds, a décrété la « désobéissance civile » et a repoussé jusqu'alors les tentatives d'ouverture du président. Il avait initialement annoncé un nouveau rassemblement à haut risque ce vendredi. Avec l'arrivée de la mission de la Cedeao, il a opté pour une journée de recueillement à la mémoire des morts de la contestation dans les mosquées du pays.

La communauté internationale s'inquiète de cette escalade à l'issue imprévisible, dans une région elle-même tourmentée.

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