Maher Ferghaly écrit: Les fondations d'Erdogan dans les pays du Golfe 2-2
La première partie de l'étude aborde les tentatives d'infiltration
de la Turquie dans le monde arabe par le biais des mécanismes et des fondations
œuvrant hors de ses frontières sous la devise de ''la force douce''. Cette
manœuvre est une énième tentative de réinstaurer et de redynamiser ''la
dynastie ottomane'' comme le souhaite le président turc Recep Tayyib Erdogan
Des fondations à caractère commercial et économique
par lesquelles la Turquie a créé des compagnies, ont été citées outre la création
des associations d'amitié et des organisations de sauvetage pour mener à bien
la tentative d'infiltration.
Des fondations à caractère culturel et social comme
outils d'influence et d'infiltration turques et le rôle des fondations transcontinentales,
ont été également abordées dans cette première partie.
Fondations à caractère culturel et artistique
Etant donné l'impact évident de la culture et de la force
douce, la Turquie s'est intéressée aux fondations culturelles et artistiques
qu'elle considère comme un pont la reliant au monde arabe. En guise d'exemple,
Kamal Yerchaguy rapporte que les séries télévisées turques jouissent d'une
popularité immense chez les femmes saoudiennes. Un sondage a montré que 71% des
femmes interrogées disent aimer regarder les séries turques et que la plupart
d'elles ont dépensé beaucoup d'argent pour voyager en Turquie afin de regarder
les lieux de tournage de ces séries. (1)
La Turquie s'est réellement intéressée à la création
des associations et des compagnies artistiques pour communiquer avec le monde
arabe par le truchement des scénarios corroborant ses aspirations, à l'instar
de l'Association turco-arabe pour les Sciences, la Culture et les Arts, créées
par des académiciens, des journalistes et des penseurs turcs et arabes qui déclarent
être conscients du fait que la réussite de l'association dépend de
l'interaction entre ses membres.
L'Association a été reconnue par les autorités turques
le 2 avril 2008 comme Organisation nationale à but non lucratif et à caractère
international lui permettant d'ouvrir des branches et des représentations aussi
bien à l'intérieur qu'à l'extérieur de la Turquie, d'avoir le droit d'adhésion
aux divers organismes et organisations internationales ayant les mêmes centres
d'intérêts. Les autorités turques ont également signé la création de l'Institut
turco-arabe pour les Etudes et la Documentation, comme fondation scientifique
pour les recherches dépendant de l'association. L'on peut aussi citer le Forum
turco-arabe pour le dialogue culturel qui réunit des penseurs arabes et turcs
de manière périodique, et le magazine du Dialogue turco-arabe qui est publié en
arabe et en turc.
L'Association a pris la capitale turque Ankara comme siège
principal mais mène des activités aux niveaux politique et économique dans
plusieurs capitales arabes.
Ceci en plus de la coopération avec le Centre des
recherches historiques, artistiques, culturelles et islamiques avec bon nombre
des centres dans le monde arabe comme le Centre Culturel Turc à Amman qui
organise des activités culturelles dans le but clairement affiché d'infiltrer
les sociétés arabes.
L'Académie turque nommée ''12 mois'' est une organisation
non gouvernementale, utilisée comme voile pour enrôler les jeunes dans les pays
du monde arabe comme l'Egypte où ils sont soigneusement sélectionnés et présentés
comme candidats aux organisations et associations affiliées à l'organisation
des Frères musulmans et où ils sont entrainés aux mécanismes de changement démocratique
sans pour autant connaitre les objectifs de l'Association.
Le contact avec l'association se fait par le
truchement d'un coordinateur à l'intérieur du pays ciblé. Des invitations sont
envoyées aux concernés pour obtention de visa à l'aéroport d'Istanbul sans
avoir à passer par l'Ambassade de Turquie. Avant le voyage, le candidat reçoit
un appel téléphonique. Pour chaque stage, le groupe se compose de 4 à 30 jeunes pour une
formation d'une semaine. Celui qui aura prouvé sa capacité à l'interaction est
invité pour un autre stage de deux semaines. La fondation tuque se charge des
frais de ces deux stages.
La fondation forme les jeunes à faire usage des
alliances entre les organisations de la société civile qui soutiennent la
participation de la femme à la vie politique et aux élections. Ces jeunes sont
aussi formés pour la création des alliances pour des sujets déterminés. Ce qui
permettra à Ankara de noyauter les pays arabes.(2)
Le danger que représentent ces organisations turques
est tel que les organisations américaines aussi ont regagné la course en transférant
leurs activités des pays interdit d'accès, vers la Turquie comme l'Organisation
de l'Initiative du Proche-Orient qui organise des stages de formation à grande échelle
dans les domaines s'opposant aux politiques de certains pays arabes. Tout ceci
dans le but d'utiliser les jeunes pour des intérêts américains et turcs.
La Conférence des jeunes arabes et turcs a été
organisée le 24 octobre 2014 au Centre des Conférences d'Istanbul pendant 4
jours sur invitation de la commune d'Istanbul en collaboration avec l'Académie
turque. Les frais de voyage, d'alimentation et de transport interne étaient à
la charge des organisateurs. Les plus grandes délégations ayant participé à la conférence
sont venues d'Egypte, de Syrie, d'Irak, de Palestine et des jeunes activistes égyptiens
affiliés à la Confrérie des Frères
musulmans inscrits dans les universités turques et européennes.
Le
conseiller de l'ex Premier ministre turc, Paulent Aras et Mohammad Oglum, le
Directeur du Croissant Rouge Turc, ont donné des conférences lors de cette
rencontre.
L'Académie
possède une branche en Tunisie et le Centre Al Mahroussa, coordonne ses
activités en Égypte.
Elle
présente beaucoup de similarités avec les associations œuvrant dans le
renforcement des relations entre le peuple égyptien et le peuple turc, et
contribue à la création des relations équilibrées et à garantir la présence
effective de la Turquie dans la société égyptienne
Les
fondations transcontinentales.
L'on ne
saura séparer les organisations gouvernementales turques œuvrant dans les pays
arabes, des autres organisations turques transcontinentales comme l'association
"Gulen", présente dans tous les pays arabes et dans tous les autres
pays du monde. En dépit des divergences entre Erdogan et Gulen, cette
association – considérée par Erdogan comme parallèle au Gouvernement - sert les
intérêts trucs et offrent des services
tout comme les institutions œuvrant dans le même domaine.
Gulen n'a
pas tergiversé pour entrer en contact avec le monde arabe. Il a fait d'ouvrir
des écoles dans les pays arabes (3) qui enseignent les mêmes manuels dans
chacun de ces pays.
Sur
initiation de l'Union des écrivains et des journalistes turcs, le mouvement Gulen
a créé un forum qui réunit diverses factions idéologiques pour discuter des affaires
turques, mondiales et humanitaires.
L'empire Gulen
englobe aussi la banque islamique d'Asie avec ses branches dans les pays du
Golfe et des actifs estimées en 2008, à 5.2 milliards de dollars, tout comme il
englobe une compagnie d'assurance
internationale qui possède des branches dans plus de 35 pays à travers le
monde.
Le
mouvement crée des universités et des écoles dans presque tous les pays arabes.
L'on peut citer l'école Salah el dine créée en 2009 dans le nouveau Caire
(Tagammou al khames) qui organise une cérémonie annuelle à laquelle prennent
part un certain nombre des personnalités égyptiennes et turques dont des députés
au Parlement turc.
Après l'éviction
des Frères musulmans du pouvoir en
Egypte, le Ministre égyptien de l'éducation a émis un décret stipulant la
supervision du ministère sur les finances et l'administration de l'école qui,
selon les parents d'élèves est devenue une véritable colonie turque en Egypte avec
ses actes plus que suspects et son refus d'intégrer des élèves chrétiens. On
peut également citer le complexe scolaire du même nom dans le gouvernorat de
Beni Souef.
Les élevés
de ces écoles sont soumis à un programme précis d'éducation et de comportement,
outre la recherche de l'excellence qui est devenue la marque de ces établissements.
Ce qui en a permis l'expansion.
Le
mouvement Gulen possède l'agence de presse ''Djihane'' qui publie plus de 500
d'informations écrits par jour en plus de 100 infos télévisés et 100 images. Ce
qui fait d'elle la plus grande agence d'information privée en Turquie. Elle possède
des bureaux officiels dans 39 pays dont les pays arabes et des correspondants
dans 60 pays.
Le magazine
''Heraa'' – considéré comme le premier magazine turc en langue arabe- a ouvert
son bureau au Caire en 2005 et sa chaîne de télévision du même nom a ouvert le
14 mai dernier. Elle est la 1ere chaîne de la Confrérie s'adressant aux arabes.
Elle a été lancée conjointement avec l'ouverture de la conférence
internationale ''l'effort et la mesure'' d'Istanbul sous l'égide du groupe ''Samanuel'' qui regroupe 13 chaînes de télévision,
des journaux, des magazines et une agence de presse.
Il Ya
aussi le groupe ''Faynaq'' pour l'edition - système idéologique complet- qui a
commencé par le magazine ''Al Rash-ha'' dont la première publication remonte à
trente ans, outre une trentaine de magazines dont certains spécialisés dans les
affaires de l'enfant et de la femme. Le groupe possède une maison d'édition en Turquie
et au Proche-Orient et publie 60 livres par mois dans diverses langues dont
l'arabe. Il possède aussi trois sites internet en diverses langues et publie un
manuel scolaire de haute impression et production.
La banque
islamique d'Asie est la branche économique du mouvement et l'une des plus grandes
banques turques avec lus d'un million de dépositaires et 280 branches.
Le mouvement
Gulen a créé une fondation – dénommée ''Y a-t-il quelqu'un''- spécialisée dans
le sauvetage et les actes caritatifs. Cette fondation mène des actions à l'intérieur
et à l'extérieur de la Turquie grâce aux bénévoles parmi lesquels plusieurs
jeunes arabes. Elle crée des bureaux autant qu'elle mène des actions de
sauvetage.
Le
mouvement Gulen soutient directement l'Association médicale islamique qui est
le plus grande association caritative médicale sous la supervision des Frères
musulmans. En 2014, les autorités égyptiennes ont mené des enquêtes sur le
financement extérieur de l'association et sur son soutien des activités des Frères
musulmans.
Le
mouvement soutient aussi l'association ''la communication et la bienfaisance''
qui est une association caritative à but non lucratif. Comme son nom l'indique,
elle pourvoit de l'aide et de la bienfaisance aux nécessiteux et garde le
contact avec eux. Selon son site internet, elle est la même que celle qui
œuvrait dans les pays du Levant (Sham) (5)
Les
associations et l'avenir
A la lumière
de ce qui précède, il est évident que la Turquie s'appuie sur bon nombre
d'associations comme moyen de domination et de finalisation de son projet impérialiste
ottoman. Des pays arabes dont l'Egypte l'ont accusée de s'immiscer dans leurs
affaires internes car elle se comportait comme tout ce qui se passait dans ces
pays était une affaire turque.
La Turquie
se comporte comme si ces anciennes colonies sont toujours des possessions dépendant
d'elle. (6)
L'on
pense qu'à l'ère d'Erdogan, le projet de la ''nouvelle Turquie ottomane''
continuera sa percée. D'où le danger qu'il représente lorsqu'on sait que suite
à ce qu'on appelle le printemps arabe et le soutien des Frères musulmans et des
mouvements djihadistes armés dans le monde arabe par Erdogan et par le Qatar,
toute la sous-région s'est embrasée dans des conflits armés sanglants.
Il est
fort probable que l'expansion turque continue dans l'une des deux trajectoires:
Première
trajectoire: la continuité du soutien populaire en faveur du
gouvernement d'Erdogan dans sa politique régionale et la finalisation des réformes
internes dans le cadre de la résolution pacifique de la crise kurde; la
conformité de la politique extérieure turque à la politique extérieure américaine
car la Turquie est perçue- selon certains centres de recherche- comme un État
exemplaire sur lequel les États-Unis devraient s'appuyer dans la sous-région;
l'envie américaine, occidentale et arabe de voir la Turquie jouer un rôle d'équilibre
face au rôle négatif iranien dans la sous-région.
Deuxième
trajectoire: le recul du rôle turc. C'est-à-dire l'impossibilité
de réaliser le rôle régional turc et sa confrontation à l'Amérique de Trump.
Ainsi le projet n'ayant pas abouti, il ne reste plus qu'à se replier sur les
affaires internes déjà en eaux troubles,
ces derniers temps.
Conclusion:
Nous
pouvons affirmer que la Turquie est entrain de mener un complot sans équivoque,
contre les pays arabes. Ce projet se heurte toutefois aux efforts déployés par
l'Arabie saoudite, l'Egypte, les Émirats pour le contrecarrer et l'étouffer.
(1)Kamal Yercheguy, ''l'influence de la Turquie'', ''la
vision de la Turquie'' 2012, page 80
(2)Le dernier stage s'est déroulé du 11 au 16 septembre
2014 en turquie avant la conference de la jeunesse arabo-turque
(3)http://rassd.com/5-79630.htm#sthash.FOOPWMm9.dpuf
(4)Ayman Abdallah Shehata, "l'avenir des reformes
dans le monde islamique'', la comparaison avec le mouvement Gulen, Edition
Heraa, page 475
(5)https://m.facebook.com/profile.php?id=224719517697483&refsrc=http%3A%2F%2Fwww.google.com.eg%2F&_r
(6)http://www.alkhaleej.ae/studiesandopinions/page/99
(7)http://www.acrseg.org/36638