France-Turquie : un face-à-face mortifère
« Nous dormons d'un profond sommeil… et nous laissons les Turcs libres d'agir à leur guise. Pour les motifs les plus futiles, les chrétiens courent aux armes et se livrent de sanglantes batailles : et quand il s'agit de combattre les Turcs… personne ne consent seulement à lever la main », disait Pie II en 1456, six ans après la chute de Constantinople, au Congrès de Mantoue. Un peu plus d'un demi-siècle plus tard, François Ier s'alliait aux Turcs pour équilibrer la puissance des Habsbourg.
En dénonçant « la responsabilité historique et criminelle » de la Turquie, dans une escalade qui n'est plus exclusivement verbale, la France de 2020 est incontestablement plus proche de Pie II que des Valois.
ans la ligne des politiques menées précédemment, la France d'Emmanuel Macron se serait-elle, à son tour, autopiégée, en pensant pouvoir faire avancer, seule, le dossier libyen ? C'est à Berlin - la capitale d'un pays qui avait refusé de s'engager militairement en 2011 -, et non à Paris, que s'est tenue, en janvier 2020, une conférence internationale sur l'avenir de la Libye .
La critique est facile, et l'art est difficile. Il ne s'agit pas, ici, de donner des leçons ou de jouer les censeurs. Traiter avec un pays - qui, comme la Turquie, refuse de confronter son passé et sa responsabilité à l'égard des Arméniens - ne peut être qu'un exercice délicat. La Turquie n'est pas seulement « immature » dans son rapport à l'Histoire : elle exporte désormais ses forces armées dans les différentes provinces de son ancien empire , de la Syrie à l'Irak, jusqu'à la Libye, où Ankara souhaite établir une présence militaire permanente pour sauvegarder ses investissements économiques passés et s'en assurer de nouveaux.