Quel est l'objectif essentiel de l'intervention turque en Syrie
l'objectif primordial est de freiner l'avancée des forces kurdes du PYD en Syrie alors que la Turquie s'est jusque là accommodée du voisinage de l'EI. Le Parti de l'Union démocratique (PYD), qui bénéficie du soutien aérien et en armement des Etats-Unis, élargit de plus en plus le territoire sous son contrôle, soit directement, soit sous la bannière des Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance constituée avec des forces arabes, sous sa tutelle. Il progresse au détriment de l'EI, de l'opposition anti-Assad, dans la région d'Azzaz et à Alep, mais aussi du régime, à Hassaké.
La Turquie, en conflit avec les Kurdes sur son propre territoire et farouchement hostile à l'idée que les Kurdes syriens forment une ceinture continue le long de sa frontière. "Ankara avait accepté, à regret, la création des FDS sous le patronage américain, mais mis un veto sur le contrôle par le PYD de la zone entre l'enclave kurde d'Afrin à l'ouest et l'Euphrate", précise Jean Marcou.
Le message semble cette fois entendu à Washington. En déplacement en Turquie ce mercredi, le vice-président américain Joe Biden, a assuré avoir enjoint les milices kurdes de ne pas franchir l'Euphrate vers l'ouest.
Pour favoriser les rebelles syriens face à l'avancée kurde
"La bataille pour la reprise de la ville de Djarabulus était en préparation depuis plusieurs mois", explique à L'Express Ziad Majed, spécialiste de la Syrie. Les forces turques ont pilonné au préalable les troupes de l'EI, mais aussi celles du PYD.
"La prise de Manbij par les Kurdes, le 12 août, a sans doute précipité la décision de lancer l'offensive, afin d'éviter qu'une nouvelle ville de la région ne tombe aux mains du PYD", poursuit le chercheur. "L'EI s'attendait à cette offensive et avait déplacé une partie de ses effectifs en direction de Raqqa", ces derniers jours.
Parce qu'elle profite d'une nouvelle dynamique régionale
L'intervention turque intervient alors que les équilibres régionaux ont sensiblement bougé au cours de l'été. Ankara a commencé à normaliser ses relations avec Moscou et multiplié, ces derniers jours, les rencontres avec Téhéran. Le coup de froid avec les chancelleries occidentales auxquelles elle reproche d'avoir attendu l'échec de la tentative de coup d'état pour le condamner est à l'origine de ces revirements diplomatiques.
"La Turquie en veut aussi aux Etats-Unis d'avoir privilégié le soutien aux forces kurdes face à l'insurrection, sans tenir compte de ses intérêts, explique Ziad Majed. Ainsi que d'avoir repoussé sa demande d'une zone-tampon dans le nord de la Syrie à l'abri des bombardements du régime. Compte tenu de ce repositionnement, Ankara pense sans doute avoir une plus grande marge de manoeuvre pour intervenir" en Syrie. Mais il n'est pas sûr que cette nouvelle dynamique amène Ankara a inverser radicalement ses alliances.