Ballet diplomatique à l’Élysée pour tenter de relancer le dialogue Kosovo-Serbie
Après Avdullah Hoti, le Premier ministre du Kosovo mardi 7 juillet, c’est au tour du président serbe Aleksandar Vučić d’être, ce jeudi, l’hôte d’Emmanuel Macron. L’objectif de ces rencontres est de « déminer le terrain » avant le sommet virtuel de vendredi et la reprise effective du dialogue entre Belgrade et Pristina, attendue dimanche 12 juillet à Bruxelles.
De quoi le Kosovo et la Serbie peuvent-ils bien discuter ? Après plusieurs années de « dialogue technique », mené sous l’égide de l’Union européenne (UE) et visant « à faciliter la vie quotidienne des citoyens des deux pays », les rumeurs sur la signature d'un « accord définitif » se sont mises à partir de 2018 à être de plus en plus pressantes. La conclusion de ce dernier supposerait, a priori, que la Serbie reconnaisse l’indépendance proclamée par son ancienne province en 2008. Mais qu’est-ce que Belgrade peut y gagner ?
Après l’annulation du sommet prévu à Washington le 27 juin, l’Union européenne a bien l’intention de reprendre la main sur ce complexe « dialogue », devenu une pomme de discorde transatlantique, après l’OPA avortée de l’administration Trump sur le dossier. En effet, alors que le Kosovo semblait depuis longtemps sorti de la liste des priorités des États-Unis, la Maison Blanche a nommé à l’automne dernier un émissaire spécial chargé de mener les négociations, en la personne de Richard Grenell, alors ambassadeur en Allemagne, poste dont ce proche du président a depuis démissionné pour intégrer le cabinet de Donald Trump et prendre la direction nationale des services de sécurité… L’objectif étant de parvenir « au plus vite » à un accord « définitif » entre Belgrade et Pristina, quitte à ce que ce dernier passe par une modification des frontières entre les deux pays.
Seule raison possible à cette précipitation, la volonté du futur candidat Trump de pouvoir exhiber au moins un succès diplomatique avant l’élection présidentielle de l’automne… Hélas, tout a déraillé à la veille de la rencontre, qui devait pourtant être « historique ». Le 24 juin, les Chambres spécialisées pour les crimes de guerre au Kosovo, basées à La Haye et qui travaillaient sur le dossier depuis des années, ont révélé leur décision de mettre en accusation le président du Kosovo Hashim Thaçi, pour « crimes de guerre » et « crimes contre l’humanité »… En attendant que la justice confirme son inculpation, ce qui le contraindrait à présenter sa démission, Hashim Thaçi est devenu infréquentable. Il vient d’ailleurs d’annoncer qu’il se rendrait dès lundi à La Haye pour être « entendu » par les enquêteurs. Or, toute la stratégie de Richard Grenell passait par un « deal » direct entre les chefs de l'État du Kosovo et de Serbie, marginalisant les gouvernements et les Parlements des deux pays.
L’Allemagne, très hostile à l'hypothèse d’un changement de frontières entre le Kosovo et la Serbie, qui représenterait immanquablement un dangereux précédent pour l’ensemble des Balkans, voire pour l’Europe, a aussitôt profité du revers essuyé par les États-Unis pour pousser Bruxelles à reprendre la main. De fait, l’Union joue, depuis 2012, un rôle de médiateur dans le dialogue entre Belgrade et Pristina. Ce dialogue « technique » a déjà débouché sur la signature de nombreux accords, visant à « normaliser » les relations bilatérales, à faciliter la circulation et la vie quotidienne des ressortissants des deux pays. Certes, plusieurs de ces dispositions ne sont jamais entrées en application, et le processus achoppait sur une question « politique », à savoir celle d’une éventuelle reconnaissance par la Serbie de l’indépendance du Kosovo.
Les rumeurs tournant autour de la possibilité d’un échange de territoire comme base d’une « solution finale » sont apparues dès l’été 2018, venant parasiter ces négociations et semant la division parmi les Européens eux-mêmes : dans un premier temps, Paris n’y était pas forcément hostile, au grand dam des Allemands. Pour tenter de retrouver un semblant d’unité européen, Angela Merkel et Emmanuel Macron avaient finalement présidé un sommet le 29 avril 2019 à Berlin, dont le bilan avait été jugé tellement décevant que la rencontre suivante, prévue à Paris, avait dû être annulée…C’est ce processus qui doit désormais reprendre, après l’annulation de la rencontre de Washington.