Pour parachever ses rêves de puissance, le Qatar, qui compte seulement 180 000 sujets nationaux selon un recensement de 2010, a besoin d’une main-d’œuvre étrangère corvéable à merci. Et d’entreprises complices capables de participer au « miracle » qatari. Au-delà des chantiers pharaoniques qui ont transformé les maisons de terre et les pistes de sable de Doha en une forêt de gratte-ciel, l’émirat est désormais tout entier tourné vers l’organisation de la Coupe du monde de football, une vitrine planétaire sans pareille. Pourtant, depuis plusieurs années, les scandales répétés de centaines de travailleurs immigrés venus d’Asie, morts sur les chantiers, ne cessent de ternir l’image moderne dont souhaite se parer le Qatar.
Une prison à ciel ouvert
Depuis lundi, c’est l’entreprise française cotée en Bourse Vinci qui est sur le banc des accusés, révèle le Parisien. Alertée par les syndicats, l’association de défense des victimes de crimes économiques Sherpa a déposé plainte contre le géant du BTP auprès du parquet de Nanterre pour « travail forcé » et « réduction en servitude ». « La filiale de Vinci utilise des menaces pour contraindre une population vulnérable. Les migrants travaillent 66 heures par semaine sous une chaleur accablante », explique Laetitia Liebert, directrice de l’ONG. Le travail à plus de
50 degrés est déjà à l’origine de la mort par crise cardiaque de dizaines d’ouvriers. En cause également un recours abusif au « kafala » par la filiale qatarie de Vinci Construction Grands Projets, QDVC. Recrutés par des agences dans leur pays d’origine, les migrants voient souvent leur passeport confisqué par les entreprises ou par leur « tuteur » légal, dont chaque étranger dépend pour louer une voiture, bénéficier du téléphone ou sortir du territoire. Un simple moyen d’éviter que les travailleurs « ne se fassent voler » leurs documents d’identité dans les dortoirs collectifs, ose le PDG de Vinci, Yannick Garillon. En 2013, l’ambassadrice du Népal à Doha, qui avait eu l’outrecuidance d’évoquer cette « prison à ciel ouvert », a gentiment été expulsée. Mais le Qatar a visiblement décidé de changer de tactique. Jusqu’alors, le comité national des droits de l’homme qatari se contentait de nier tout recours à l’esclavage. Aujourd’hui, il fait mine de prendre les devants : « Le ministère du Travail emploie plus de 200 inspecteurs. Leur nombre sera porté à 300 dans un futur proche », réplique sans ciller l’ambassade à Paris. Le Qatar n’a toujours pas ratifié les conventions internationales relatives aux droits de l’homme et des travailleurs.