Erdogan tente de souder son peuple dans un nouvel élan patriotique
Dans le chaos régional, Erdoğan rêve d’un ralliement à son panache islamo-ottoman. Pour le parti Ennahdha en Tunisie, affilié, comme Erdoğan, aux Frères musulmans, cette nouvelle donne turque est un atout indéniable. Sur les réseaux sociaux, on a vu des Tunisiens brandir des drapeaux turcs. Mais pour la Tunisie, cette nouvelle zone de tension dans une région frontalière peuplée de djihadistes peut surtout s’avérer désastreuse.
Erdoğan rêve de souder son peuple dans un nouvel élan patriotique. Rien de moins garanti. La population a soutenu Erdoğan tant qu’il lui a assuré une période de prospérité économique. Ce n’est plus le cas. Et les sondages sont mauvais. Mais pour raffermir son pouvoir, le dictateur ne recule devant rien. 7340 comptes Twitter viennent d’être suspendus. Tous proches de l’opposition. De nouvelles purges ont visé, ces derniers jours, militaires, gendarmes, policiers, journalistes, médecins, députés. 95 journalistes sont actuellement emprisonnés en Turquie selon l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Des enquêtes judiciaires ont été ouvertes contre plusieurs médecins, accusés d’avoir suscité « la peur et la panique parmi l’opinion ».
Tous ceux qui critiquent la gestion de la crise sanitaire par le gouvernement, risquent entre deux et quatre ans de prison. Des députés kurdes ont été destitués. En Turquie, la haine anti-kurde comme la haine anti-arménienne sont systémiques. Le génocide arménien, stade suprême du racisme, n’a jamais été reconnu. Bien au contraire, les exterminateurs des Arméniens et des Grecs pontiques ont leurs statues et leurs boulevards. À Istanbul, sur la colline de la liberté, on peut admirer le mausolée de Talaat Pacha, ministre de l’Intérieur du gouvernement Jeune Turc. Il fut le principal organisateur du génocide arménien en 1915 (« Il faut en finir avec eux, hommes, femmes, enfants, sinon nous devrons craindre leur vengeance »). Aucun risque qu’on le déboulonne. C’est un héros.
Erdoğan contrôle désormais deux « robinets » décisifs pour les flux migratoires vers l’Europe : celui de son pays, la Turquie, et celui de la Libye.