Barrage de la Renaissance: la Danse sur le Volcan
lundi 22/juin/2020 - 04:18
Par Dr Mohamed A. Fouad et Ahmed Elbasuoney
Vendredi, l'Égypte a déposé une plainte auprès du Conseil de sécurité de l'ONU demandant l'intervention de ce dernier dans le différend concernant le barrage de la Renaissance éthiopienne, marquant l'échec de tous les efforts de résolution pacifique passés, y compris l'accord préliminaire tripartite de janvier 2020 négocié par les États-Unis et la Banque mondiale.
Le “mega-projet”, qui devrait être opérationnel en juillet prochain, est prédestiné à coûter à l’Égypte sa sécurité en eau et à affecter de manière significative sa part annuelle d’eau, en fonction de la vitesse de remplissage du réservoir du barrage.
Le Nil, en aval de l'Égypte, est une source vitale car il représente plus de 95% de la part de l'eau en Égypte. Par conséquent, l'exploitation du barrage pose un risque existentiel pour l'Égypte, déjà sous le seuil de pauvreté en eau des Nations Unies.
L'Égypte, tout en signalant ses craintes sur son approvisionnement en eau depuis la construction du barrage en 2011, était ouverte à des compromis et à des accords équitables malgré sa position forte conformément aux principes du droit international. Au milieu de toutes les négociations, l'Éthiopie était résolue à construire, à exploiter et à remplir le barrage de fait, indépendamment de la conclusion d'un accord ou non.
De toute évidence, la date de construction douteuse du barrage pendant la transition révolutionnaire égyptienne remet en question leur récit et montre comment l’Éthiopie a saisi le moment à leur avantage. Également, le manque de respect total et continu de la part de l'Éthiopie envers les traités régissant le fleuve qui garantissent à l’Égypte le droit d’opposer son veto aux projets qui affectent ses eaux, par exemple l'Accord de 1929 sur les eaux du Nil et le cadre de coopération du Caire de 1993, et leur réticence à respecter les efforts post-2011 pour résoudre le différend, par exemple La Déclaration de principes de 2015 et la médiation de 2020 dirigée par les États-Unis, mettent en évidence un problème de grande envergure : leur justification du fait accompli. En fait, il n'y a aucun secret à ce sujet.
Même pendant les négociations, les responsables éthiopiens n'ont pas hésité à déclarer leur intention de construire et de remplir le barrage quel(le)s que soient les conséquences ou les résultats des négociations - comme l'a récemment déclaré leur ministre des Affaires étrangères à l'Associated Press en juin dernier par exemple. Cette attitude obstinée, associée au schéma de non-respect des lois et des accords, défie la nature même des négociations et explique l'impasse actuelle et les raisons pour lesquelles l'Éthiopie n'a pas tenu un seul engagement envers l'Égypte.
Il est vrai que l'Éthiopie jouit d'un droit au développement, et la construction du projet est justifiée en vertu de ce droit étant donné que le barrage améliorerait leur production hydroélectrique. Mais cela ne justifie cependant pas que la décision d'exploiter le barrage dépende uniquement de l'Éthiopie et de la gestion de ses intérêts au mépris total des droits des autres pays. Ceci dit, il n'est pas trop tard pour travailler avec l'Éthiopie sur une solution qui leur fournira de l'électricité rapidement et, en retour, allongera le délai de remplissage du réservoir. Une idée serait de travailler en étroite collaboration avec la Banque mondiale pour financer un ensemble de centrales électriques sur le territoire Éthiopien. Les intérêts concurrents de l'Égypte, à savoir le manque d'eau par rapport à celui de l'Éthiopie, c'est-à-dire le manque d'électricité, soulignent l'importance de décisions et d'accords unifiés qui permettent d’éviter des actions unilatérales privilégiant les intérêts de l'un au détriment des droits de l'autre.
L’appel de l’Égypte au Conseil de sécurité, tout en exprimant l’épuisement de toutes les voies de négociation, est encore une occasion pour la communauté internationale de prévenir une nouvelle tension régionale. Nous sommes d’accord avec nos interlocuteurs Éthiopiens, qui aiment à dire que les racines du problème viennent des traités du Nil de l'époque coloniale. C’est pour cette raison que la communauté internationale a la responsabilité d’amener toutes les parties concernées à la table des négociations et de recommencer de bonne foi.
La relance de l'impasse actuelle ne servira pas seulement de mécanisme de règlement des conflits, mais aussi d'étape vers une coopération accrue en Afrique du Nord-Est. Un accord contraignant sera rédigé qui reconnaîtra le droit de l’Éthiopie et sa volonté de se développer dans un délai juste, qui n’entraverait pas les droits de l’Égypte sur le Nil. Encore une fois, le P5 au Conseil de sécurité assumera en conséquence cette responsabilité de désamorcer la situation en Afrique. Si ce n'est pas pour la loi et les droits, ce devrait être pour le pragmatisme et pour économiser les coûts (humains et autres) des guerres et des tensions dans une région déjà agitée.
Courte biographie:
Mohamed A. Fouad est député à la Chambre des représentants égyptienne et membre du Comité économique
Ahmed Elbasuoeny est titulaire d'un diplôme en droit constitutionnel comparé de l'Université d'Europe centrale
Le “mega-projet”, qui devrait être opérationnel en juillet prochain, est prédestiné à coûter à l’Égypte sa sécurité en eau et à affecter de manière significative sa part annuelle d’eau, en fonction de la vitesse de remplissage du réservoir du barrage.
Le Nil, en aval de l'Égypte, est une source vitale car il représente plus de 95% de la part de l'eau en Égypte. Par conséquent, l'exploitation du barrage pose un risque existentiel pour l'Égypte, déjà sous le seuil de pauvreté en eau des Nations Unies.
L'Égypte, tout en signalant ses craintes sur son approvisionnement en eau depuis la construction du barrage en 2011, était ouverte à des compromis et à des accords équitables malgré sa position forte conformément aux principes du droit international. Au milieu de toutes les négociations, l'Éthiopie était résolue à construire, à exploiter et à remplir le barrage de fait, indépendamment de la conclusion d'un accord ou non.
De toute évidence, la date de construction douteuse du barrage pendant la transition révolutionnaire égyptienne remet en question leur récit et montre comment l’Éthiopie a saisi le moment à leur avantage. Également, le manque de respect total et continu de la part de l'Éthiopie envers les traités régissant le fleuve qui garantissent à l’Égypte le droit d’opposer son veto aux projets qui affectent ses eaux, par exemple l'Accord de 1929 sur les eaux du Nil et le cadre de coopération du Caire de 1993, et leur réticence à respecter les efforts post-2011 pour résoudre le différend, par exemple La Déclaration de principes de 2015 et la médiation de 2020 dirigée par les États-Unis, mettent en évidence un problème de grande envergure : leur justification du fait accompli. En fait, il n'y a aucun secret à ce sujet.
Même pendant les négociations, les responsables éthiopiens n'ont pas hésité à déclarer leur intention de construire et de remplir le barrage quel(le)s que soient les conséquences ou les résultats des négociations - comme l'a récemment déclaré leur ministre des Affaires étrangères à l'Associated Press en juin dernier par exemple. Cette attitude obstinée, associée au schéma de non-respect des lois et des accords, défie la nature même des négociations et explique l'impasse actuelle et les raisons pour lesquelles l'Éthiopie n'a pas tenu un seul engagement envers l'Égypte.
Il est vrai que l'Éthiopie jouit d'un droit au développement, et la construction du projet est justifiée en vertu de ce droit étant donné que le barrage améliorerait leur production hydroélectrique. Mais cela ne justifie cependant pas que la décision d'exploiter le barrage dépende uniquement de l'Éthiopie et de la gestion de ses intérêts au mépris total des droits des autres pays. Ceci dit, il n'est pas trop tard pour travailler avec l'Éthiopie sur une solution qui leur fournira de l'électricité rapidement et, en retour, allongera le délai de remplissage du réservoir. Une idée serait de travailler en étroite collaboration avec la Banque mondiale pour financer un ensemble de centrales électriques sur le territoire Éthiopien. Les intérêts concurrents de l'Égypte, à savoir le manque d'eau par rapport à celui de l'Éthiopie, c'est-à-dire le manque d'électricité, soulignent l'importance de décisions et d'accords unifiés qui permettent d’éviter des actions unilatérales privilégiant les intérêts de l'un au détriment des droits de l'autre.
L’appel de l’Égypte au Conseil de sécurité, tout en exprimant l’épuisement de toutes les voies de négociation, est encore une occasion pour la communauté internationale de prévenir une nouvelle tension régionale. Nous sommes d’accord avec nos interlocuteurs Éthiopiens, qui aiment à dire que les racines du problème viennent des traités du Nil de l'époque coloniale. C’est pour cette raison que la communauté internationale a la responsabilité d’amener toutes les parties concernées à la table des négociations et de recommencer de bonne foi.
La relance de l'impasse actuelle ne servira pas seulement de mécanisme de règlement des conflits, mais aussi d'étape vers une coopération accrue en Afrique du Nord-Est. Un accord contraignant sera rédigé qui reconnaîtra le droit de l’Éthiopie et sa volonté de se développer dans un délai juste, qui n’entraverait pas les droits de l’Égypte sur le Nil. Encore une fois, le P5 au Conseil de sécurité assumera en conséquence cette responsabilité de désamorcer la situation en Afrique. Si ce n'est pas pour la loi et les droits, ce devrait être pour le pragmatisme et pour économiser les coûts (humains et autres) des guerres et des tensions dans une région déjà agitée.
Courte biographie:
Mohamed A. Fouad est député à la Chambre des représentants égyptienne et membre du Comité économique
Ahmed Elbasuoeny est titulaire d'un diplôme en droit constitutionnel comparé de l'Université d'Europe centrale