Publié par CEMO Centre - Paris
ad a b
ad ad ad

L’Otan ouvre une enquête sur l’incident du Courbet entre la France et la Turquie

jeudi 18/juin/2020 - 10:20
La Reference
طباعة

Comme à son habitude, le secrétaire général de l’Alliance atlantique Jens Stoltenberg a été prudent. Mais il n’a pas pu éviter le sujet. «Les autorités militaires de l’Otan vont enquêter afin de clarifier la situation et faire toute la lumière» sur l’incident qui a impliqué le Courbet et des frégates turques en Mer Méditerranée le 10 juin dernier, a-t-il déclaré jeudi, lors d’une conférence de presse, à l’issue d’une réunion des ministres de la défense de l’Alliance.

La question turque n’était pas à l’ordre du jour mais elle s’est imposée après que la ministre des Armées Florence Parly a haussé le ton. «Il faut regarder en face les dérives qui se produisent», a-t-elle commenté plus tard, lors d’une audition devant la commission de la défense au Sénat.«Il ne peut pas y avoir de complaisance» avec le comportement de la Turquie, a-t-elle insisté.

Le 10 juin, le Courbet, sous commandement Otan, avait tenté«d’interroger» un cargo turc suspecté de violer l’embargo de livraisons d’armes à la Libye. Ankara y soutient le gouvernement d’union nationale de Fayez el-Sarraj contre les forces du général Haftar, appuyées par la Russie. Alors qu’il menait une procédure «légale», insiste-t-on à Paris, le Courbet a été fixé à trois reprises par le radar de conduite de tir des frégates turques qui escortaient le cargo. Face à l’avertissement menaçant, le Courbet n’a pas surenchéri. «Il s’agit d’un acte extrêmement agressif», a déclaré Florence Parly. Au sein de la marine française, on insiste sur le caractère «exceptionnel» d’un tel incident entre alliés de l’Otan.

L’Alliance paralysée

Côté turc, l’incident du Courbet est nié en bloc. «Il est évident que ces accusations (...) sont infondées», a confié un haut responsable militaire turc à l’AFP. Les navires turcs ont utilisé la caméra intégrée à leur radar pour «observer le navire français qui effectuait une manœuvre dangereuse à très faible distance, et ce par mesure de sécurité», a-t-il ajouté. «À aucun moment, le radar n’a illuminé» le Courbet, a-t-il assuré.

Les explications n’ont pas convaincu. Huit États membres sur les trente de l’Alliance ont soutenu officiellement les critiques françaises dont un certain nombre de pays majeurs, comme l’Allemagne ou l’Italie. Pour autant, l’Otan est paralysée face à une telle situation: aucun mécanisme n’est prévu pour sanctionner un allié. Les États-Unis, pour leur part, ne semblent pas gênés par l’interventionnisme turc qui s’oppose aux ambitions de Moscou dans la région. Alors jeudi, Jens Stoltenberg s’est contenté de rappeler le soutien de l’Otan à «la mise en œuvre de la décision de l’ONU d’imposer un embargo sur les armes à la Libye». «Nous soutenons les efforts de l’ONU pour trouver une solution au conflit», a-t-il insisté. Le désaccord avec l’attitude d’Ankara est marqué mais sans moyens pour s’y opposer.

Côté français, on souligne depuis plusieurs mois l’existence au sein de l’Otan d’un problème turc: Ankara cherche à tirer profit de la crise libyenne pour pousser ses pions dans la région. Elle a ainsi revendiqué via un «Memorandum of Understanding» signé avec le gouvernement d’union nationale libyen une nouvelle délimitation des zones maritimes en Méditerranée à son profit. Membre elle aussi de l’Otan, la Grèce s’y est fermement opposée et le protocole d’accord n’a pas été reconnu. «Il était important de le dénoncer», dit-on au ministère des Armées.

« L’Alliance est solide, elle en a connu d’autres. Mais on ne peut pas prétendre qu’il n’y a pas un problème.  »

Ministère des Armées

Il ne s’agit pas des seuls différends entre la Turquie et ses alliés. Elle a acquis des missiles russes S400 rendant risquée l’interopérabilité des armements entre alliés ; elle a mené une offensive contre les milices kurdes alliées aux Occidentaux contre Daech, elle exerce un chantage au sein de l’Alliance pour que soient reconnus comme terroristes les groupes kurdes YPG et PKK au nom d’intérêts de politique interne ; elle menace régulièrement l’Europe de «rouvrir les vannes de l’immigration»qu’elle contrôle depuis un accord conclu en 2016. «L’Alliance est solide, elle en a connu d’autres, explique-t-on au ministère des Armées. Mais on ne peut pas prétendre qu’il n’y a pas un problème.»

Lors du sommet de l’Otan à Londres en décembre, le chef de l’État Emmanuel Macron, accompagné de la chancelière allemande Angela Merkel et du premier ministre britannique Boris Johnson, s’était entretenu directement avec le président turc Recep Tayyip Erdogan. La réunion n’avait débouché sur aucun compromis tangible.

"