Publié par CEMO Centre - Paris
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Les organisations terroristes et le recrutement liquide

vendredi 28/septembre/2018 - 11:08
La Reference
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Hamed al-Moussallami

 

La défaite de Daech et l’effondrement de l’Etat islamique ont contribué d’une part à la dislocation de l’organisation et à la recherche d’une patrie alternative, en particulier dans les pays sécuritairement instables, comme la Libye, la Somalie et l’Afghanistan, et d’autre part, à la montée d’al-Qaïda et à la tentative de récupérer les membres de Daech.

L’étude portera sur la capacité d’al-Qaïda à recruter les factions religieuses « liquides » (selon l’expression du philosophe polonais Zygmunt Bauman), en particulier l’organisation terroriste Daech, à la lumière des défis régionaux et internationaux. En effet, ces factions « liquides » sont en général la cible d’un enrôlement de la part des organisations fortes.

L’organisation al-Qaïda cherche ainsi à attirer les éléments de Daech, et selon des sources sécuritaires algériennes, les combattants d’al-Qaïda en Algérie sont parvenus à convaincre dix combattants de Daech de prêter allégeance à al-Qaïda après avoir eu des entretiens avec des prêcheurs extrémistes de cette organisation en août 2017. Cela s’est répété en Syrie en septembre de la même année, et un site yéménite dépendant d’al-Qaïda s’est flatté de ce qu’il a considéré comme « le repentir de nombreux combattants de Daech ayant refusé la conception religieuse et le comportement incorrect de ses chefs et décidé de rejoindre al-Qaïda ». Ce fut également le cas au Nigéria, au Mali et en Somalie, où al-Qaïda a entrepris d’attirer les derniers éléments de Daech.

En fait, la raison de la montée d’al-Qaïda et de son retour à la tête des organisations djihadistes dans le monde, au détriment de Daech, réside essentiellement dans sa structure et sa méthode de travail sur le terrain :

1)  Al-Qaïda travaille « en grappes » selon le principe de l’allégeance prêtée à l’organisation locale dans une région déterminée, en laissant celle-ci travailler de façon décentralisée, en fonction des conditions de temps et de lieu.

2)  Daech, au contraire, travaille de façon centralisée, d’une part en s’appuyant sur la création d’un « wilaya » dans une zone déterminée et en y appliquant la charia selon sa conception extrémiste, et d’autre part, par une planification centralisée de toutes les opérations importantes exécutées par ses branches partout dans le monde.

3)  Etant donné les actions nationales et internationales pour liquider toute organisation cherchant à imposer un modèle théocratique à l’Etat, Daech n’a aucun avenir sur le terrain, et cela a conduit à la montée d’al-Qaïda qui a compris qu’elle pouvait retrouver un rôle de leader dans l’action djihadiste en recrutant les éléments de Daech.

4)  Bien que Daech ait largement recouru aux « loups solitaires », ce phénomène devrait se répandre aussi dans le cas d’al-Qaïda comme conséquence d’un éventuel changement de tactique dans la méthode de travail de cette organisation si elle parvient à absorber les éléments de Daech.

 

Finalement, il n’est pas possible de parler de l’avenir des organisations terroristes « solides » et « liquides » sans aborder les négociations secrètes entre les Talibans et le gouvernement afghan. Plusieurs scénarios sont alors envisageables :

1)  C’est celui de la réussite de ces négociations sous parrainage américain. Dans ce cas, les Talibans devront se débarrasser totalement d’al-Qaïda, ce qu’ils ont jusqu’alors refusé. Une telle réussite aurait des conséquences sur toutes les organisations djihadistes en Asie centrale et dans le monde et leur méthode de travail, avec la possibilité d’une guerre ouverte entre les gouvernements nationaux et les organisations terroristes, et une augmentation des opérations des « loups solitaires ».

2)  C’est celui de l’échec des négociations, auquel cas la situation d’al-Qaïda ne changera pas beaucoup, et elle restera dans son bastion dans l’aire géographique contrôlée par les Talibans.

D’autre part, avec les défaites successives de Daech, et la récupération par al-Qaïda de ses derniers éléments, cette dernière pourrait rassembler les autres organisations terroristes sous son étendard, avec une recrudescence de ses attaques, en particulier contre les intérêts américains. C’est pourquoi les Américains, ayant compris cela, sont les premiers à soutenir les initiatives du gouvernement afghan pour régler la crise afghane avec les Talibans.

3)  C’est le cas où Daech serait capable de retrouver sa capacité numérique et logistique, après avoir quitté ses bastions en Syrie et en Irak pour des pays instables comme la Libye, la Somalie, l’Afghanistan ou le Yémen. Avec l’éventualité du retour de l’Etat religieux despotique.

C’est cependant le premier scénario qui est le plus probable à court ou moyen terme, étant donné la montée de l’extrême-droite en Europe et la volonté américaine actuelle de liquider les organisations terroristes et de se désengager militairement de certains pays les plus touchés par le terrorisme.

   

 

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