Le Pakistan… incubateur et victime du terrorisme sur fond de relations fluctuantes avec les Etats-Unis
Hamed al-Moussallami
Les tensions récentes l’Amérique et le Pakistan ont
poussé la Chine à intervenir pour renforcer ses relations avec le Pakistan,
tout en refusant les accusations américaines sur le laxisme de ce dernier dans
sa lutte contre le terrorisme, et qui visent à l’inscrire sur la liste noire
des pays impliqués dans le financement du terrorisme.
1) Les
défis sécuritaires du Pakistan
Le Pakistan a payé le prix fort des
tentatives des puissances étrangères de lui imposer leur hégémonie. Cela a
commencé avec l’intervention soviétique en Afghanistan en 1979, qui a été suivie
par un soutien américain, arabe et islamique des mouvements rebelles, et cela
en utilisant le Pakistan comme un terrain d’entraînement des
« Mudjahidines » allant combattre les forces gouvernementales et
soviétiques, et cela pendant dix ans. Puis ces dernières se sont retirées et la
guerre civile a éclaté en Afghanistan, jusqu’à ce que le mouvement des Talibans
prenne le pouvoir en 1996. Avant que n’apparaissent al-Qaïda et d’autres
organisations terroristes par la suite.
D’autre part, la présence de tribus sur
la bande frontalière entre les deux pays a conduit à un transfert des tensions
de l’Afghanistan vers le Pakistan, outre les trafiquants de drogue, et les
réfugiés afghans au Pakistan (plus de 3 millions) qui représentent une réserve
stratégique pour les groupes terroristes qui peuvent les enrôler en exploitant
leurs conditions humanitaires difficiles.
Le Pakistan a été sous l’influence des
idées extrémistes dès sa création, et en particulier celles d’Aboul-A’la
al-Mawdudi, qui considérait la démocratie, le nationalisme et l’Etat indien
comme mécréants. Cela créa un terreau fertile pour la prolifération des groupes
religieux extrémistes, dont les idéologies varient entre sunnisme, chiisme et tribalisme
selon un rapport du ministère pakistanais de l’Intérieur en date du 6 janvier
2018, qui comprend 72 organisations terroristes.
Les défis régionaux
L’Inde, l’Afghanistan et l’Iran accusent
régulièrement le gouvernement pakistanais de fournir un asile sûr aux
mouvements terroristes en fermant les yeux sur leurs activités. Ainsi, de
nombreux analystes ont établi une corrélation entre la présence de groupes
terroristes au Cachemire – dans sa
partie sous contrôle pakistanais – et le gouvernement pakistanais, que ce
dernier les soutienne directement ou qu’il ferme les yeux sur leurs activités.
D’autre part, suite à la guerre
américaine contre le terrorisme, les terroristes se sont réfugiés dans la zone
frontalière pakistano-afghane, outre la présence dans cette zone de plus de 3
millions de réfugiés afghans, dont certains ont des relations avec les
mouvements terroristes.
Concernant l’Iran, malgré des tensions
entre les deux pays, en arrivant parfois aux menaces militaires, il est clair
que le Pakistan vise à un équilibre permanent dans ses relations avec l’Iran
pour réaliser une stabilité interne, et sans pour autant nuire à ses relations
fortes avec l’Arabie saoudite.
Equilibres internes
Les relations entre les Pakistanais et les
divers Mudjahidines durant la guerre contre les Soviétiques ont suscité une
nouvelle génération d’extrémistes pakistanais et un environnement favorable aux
idées extrémistes, comme cela a été confirmé par un sondage effectué par trois
chercheurs pakistanais sous le titre « image de la guerre contre le
terrorisme dans l’esprit du peuple pakistanais ». Cet environnement oblige
l’Etat pakistanais à adopter des politiques en accord avec la culture
populaire, ce qui ne l’aide pas dans sa guerre contre le terrorisme.
Les pressions américaines
Pendant des décennies, les relations
américano-pakistanaises ont été fondées sur une alliance stratégique et la
coopération militaire et sécuritaire entre les deux pays. Mais leurs relations
se sont détériorées récemment, suite à une crise de confiance de la part des
Etats-Unis, le président Trump accusant le Pakistan en août 2017 d’héberger les
pires terroristes malgré les milliards de dollars reçus des Etats-Unis.
2) La
stratégie du Pakistan de lutte contre le terrorisme
Selon une étude publiée par le Centre
national d’Etudes sur la Défense à Tokyo, les préjudices humains subis par le
Pakistan dans sa guerre contre le terrorisme sont estimés à 6700 tués et 15000
blessés parmi les militaires, et 37000 victimes civiles, outre des dommages
matériels estimés à 78 milliards de dollars, ce qui en fait le pays le plus
touché par cette guerre.
C’est en 2009 que le Pakistan a commencé
à développer ses outils de lutte contre le terrorisme en créant l’Autorité
nationale pakistanaise de lutte contre le terrorisme (NACTA) dépendant du
ministère de l’Intérieur et chargée de la coordination militaire et sécuritaire
entre tous les services concernés par la lutte contre le terrorisme. L’Autorité
a adopté divers moyens dans cette lutte : amendements législatifs et
judiciaires, coordination en matière d’informations et de renseignements,
planification d’opérations militaires, surveillance des organisations
suspectées de financer le terrorisme, en se cachant derrière des objectifs de
développement ou religieux.
Elle a également adopté un discours
anti-terroriste et essayé de résoudre le problème des minorités et des ethnies,
et créé un centre de recherches scientifiques spécialisé sur le terrorisme et
les stratégies pour le combattre. Enfin, l’Autorité fournit une base de données
complète sur Internet à propos des organisations interdites.
Outils alternatifs régionaux de lutte
contre le terrorisme
Il faut mentionner d’abord la
coopération sino-pakistano-afghane, la Chine étant un allié stratégique du
Pakistan face à l’Inde, et des rapports de presse indiquent l’intention de la
Chine de créer une base militaire au Pakistan. Le 27 février 2018, elle a déclaré
son soutien à Islamabad dans sa lutte contre le terrorisme.
En conclusion, le Pakistan devrait
adopter un discours intérieur rejetant les idées terroristes, et cela pour
mettre fin au soutien populaire accordé à ces idées, et œuvrer à régler les problèmes
des mouvements rebelles et séparatistes, car c’est sur cette base qu’il pourra
fonder ses relations sécuritaires avec ses voisins comme l’Afghanistan et
l’Iran.
D’autre part, c’est d’abord sur lui-même
que le Pakistan doit compter dans sa guerre contre le terrorisme, et non pas
sur les grandes puissances qui cherchent toutes à imposer leur hégémonie
politique sur cette région.