Les constantes des Emirats : le problème palestinien dans l’article de Youssef al-Otayba
Hani Sulayman
Directeur du Centre arabe d’études et de recherches du Caire
Le problème palestinien est la préoccupation essentielle des Arabes, et les pays et les peuples arabes le considèrent comme le symbole de la résistance, du droit et de la protection des terres arabes. De nombreux pays arabes ont offert un soutien politique, moral et matériel, et consenti de nombreux sacrifices pour soutenir le problème palestinien, non pas comme faveur, mais en étant conscients de leur responsabilité et de leur devoir d’aider le peuple palestinien.
Ainsi, l’Egypte, les Emirats et l’Arabie saoudite ont offert un soutien sans borne au dossier palestinien, politiquement et diplomatiquement, en promouvant les occasions de paix et de défense des droits palestiniens, en soutenant la réconciliation interne et en offrant un soutien matériel, sur la base d’intentions sincères et de la compréhension que le problème palestinien est le pivot de la stabilité et de la paix dans la région.
Pour confirmer ce rôle, on a assisté à de nombreuses tentatives de recherches de mécanismes de sortie de cette impasse dans laquelle se trouve le peuple palestinien. Diverses propositions plus réalistes ont été lancées pour une solution politique, en évitant l’abdication et les compromissions. Il en est ainsi de la proposition de l’ambassadeur des Emirats arabes unis aux Etats-Unis Youssef al-Otayba, que certains ont tenté d’utiliser politiquement en déformant ses significations pour réaliser des gains politiques. Cela a provoqué un débat artificiel dans le but d’attaquer la personne de l’auteur de l’article et par suite, l’Etat des Emirats. Alors qu’à mon avis, il est impossible de mettre en doute son soutien au problème palestinien ainsi que les efforts de Cheikh Zayed Al Nahyan, en tant que constantes de la politique étrangère des Emirats. Comme, du reste, nombre de pays arabes.
Plusieurs remarques, peut-être ignorées par certains, doivent être faites s’agissant de l’article de Youssef al-Otayba :
La première concerne la ligne générale de la pensée de l’auteur axée sur la mise en garde adressée aux Israéliens contre l’annexion des terres palestiniennes, étant donné que cela menacerait la paix au Moyen-Orient.
La seconde est le fait que les Emirats ont mis leur diplomatie au service de la cause palestinienne, et l’article d’al-Otayba a captél’attention de l’opinion publique israélienne et occidentale, ce qui pourrait – entre autres efforts – être la cause d’un réexamen par Israël de ses initiatives, comme l’ont indiqué certains auteurs américains ayant insisté sur la nécessité de prendre en compte les avertissements émiratis.
Troisièmement, les discours populistes sur le problème palestinien n’ont conduit à aucune solution concrète, et il n’y a donc pas d’inconvénient à suivre une politique plus judicieuse en permettant à la diplomatie émiratie de s’adresser au public israélien lui-même pour faire pression sur son gouvernement.
Quatrièmement : les Emirats ont utilisé leur réseau de relations diplomatiques pour empêcher Netanyahu d’étendre la colonisation des terres palestiniennes, et non pas pour servir un agenda opposé à la cause.
Cinquièmement : certains médias appartenant à des organisations et courants connus ont déformé le sens de l’article d’al-Otayba pour servir leur agenda partisan, en ignorant les buts visés par al-Otayba.
Sixièmement : la politique est l’art du possible, et c’est ce qu’appliquent les Emirats : car Israël souhaite établir des relations avec les pays arabes, mais du point de vue de la diplomatie émiratie, cela ne doit contredire en aucune façon les droits palestiniens, et les intentions israéliennes d’annexer de nouvelles terres.
Septièmement, les Emirats sont soucieux de la stabilité et de la sécurité de la région, et de faire de cette région en crise un point de départ pour des réussites internationales.
Huitièmement : la plupart des pays qui ont consenti des sacrifices pour la cause palestinienne n’en parlent pas et ne se vantent pas de leurs efforts, mais le font discrètement, mus seulement par la volonté de faire triompher le droit, loin de tout discours retentissant. Cela nous conduit à un point important, à savoir que les pays qui parlent du soutien à la cause palestinienne et adoptent des discours faussement émouvants sont la Turquie et l’Iran. Or, la Turquie est l’un des pays qui a les relations politiques et économiques les plus fortes avec Israël, au point de participer à la construction du mur de séparation. Et la cause palestinienne dans son discours n’est pas plus qu’un outil pour gagner le cœur du citoyen arabe et inciter les peuples contre leurs gouvernements. Elle s’appuie pour cela sur l’évocation des gloires de l’Empire ottoman, comme cela est apparu clairement dans son action agressive en Libye, en Syrie et en Méditerranée.
Quant à l’Iran, j’ai déjà écrit à son propos un article de recherche intitulé « Le problème palestinien dans le discours politique iranien », en expliquant que la cause palestinienne était fortement présente dans le discours iranien, mais que cela ne dépassait pas le niveau sentimental lors des occasions exploitées au service de son projet idéologique reposant sur l’exportation de la révolution, et qui s’oppose au projet national arabe qu’il veut détruire par le biais de ses milices en Irak, au Yémen, en Syrie, au Liban et ailleurs.
En conséquence de ce qui précède, l’étape actuelle est décisive, alors que l’on voit certains brouiller les jeux, exploiter les contradictions et énoncer des demi-vérités. Et il ne faut pas à mon avis se laisser entraîner derrière ces campagnes trompeuses qui nuisent à la cause palestinienne au lieu de la servir.