Mali : un ancien colonel devenu jihadiste soupçonné de l'embuscade meurtrière au centre du pays
On commence à en savoir un peu plus sur l’embuscade qui a frappé, le 14 juin 2020, un convoi de l’armée malienne au sud-est de DiBaly, au nord de Segou. Elle aurait coûté la vie à 24 soldats, mais de nombreux autres manquent encore à l’appel. Sur la soixantaine d’hommes que comptait la patrouille attaquée, 20 rescapés seulement ont regagné leur camp situé non loin de la frontière mauritanienne. L'armée malienne reste très évasive sur le sort des disparus.
Il s'agit de l’attaque la plus meurtrière depuis celle de novembre 2019, où 53 militaires étaient morts. Le 26 janvier 2020, des assaillants affiliés au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) avaient attaqué la gendarmerie de Sokolo, faisant au moins 20 victimes dans les rangs des Forces armées maliennes (Fama).
Les Fama ne sont pas les seules visées. Il ne se passe pas une semaine sans que les habitants soient victimes de violences ou d’enlèvements. Le centre du Mali est depuis 2015 le théâtre d'exactions en tous genres : attaques contre le peu qu'il reste de l'Etat, massacres de villageois, règlements de comptes et actes crapuleux.
Le fief de la katiba Macina
C’est, selon plusieurs experts, la zone d'action de la katiba Macina, le groupe du prédicateur peul Amadou Koufa, affilié à Al-Qaïda. Ce groupe jihadiste a prospéré sur les anciens antagonismes liés à la terre, entre éleveurs et agriculteurs, entre ethnies et au sein même de ces communautés...
Aucun groupe jihadiste n'a pour le moment revendiqué l'attaque, mais la localité de Diabaly est proche de la forêt de Wagadou, où plusieurs groupes terroristes ont trouvé refuge. Dans cette zone, un nom est souvent évoqué : celui de Ba Moussa, l’un des bras droits d'Iyad Ag Ghali, le chef du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) qui regroupe une bonne partie des mouvements jihadistes du Mali.
Ba Moussa, rebelle touareg et ancien colonel
Ba Moussa est un ancien officier de l’armée régulière qui a déserté en 2012. Depuis au moins 3 ans, il encadre les combattants du prédicateur radical de la katiba d’Amadou Koufa. Il est considéré par les experts comme l’un des concepteurs des grandes attaques terroristes dans cette région du Mali.
Après avoir bénéficié d’une formation militaire en Libye, il a participé à la rébellion touarègue de 1990-1996, au terme de laquelle il a été intégré dans les rangs de l’armée malienne. Il a repris à nouveau les armes lors de la rébellion de 2006, puis réintégré l’armée après les accords d’Alger de 2006. Il a alors reçu le grade de colonel et été désigné commandant des unités spéciales chargées de combattre l’insécurité dans la région de Kidal. En 2012, il a de nouveau déserté et rejoint le groupe jihadiste Ansar Dine, puis le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans en 2017.
Cette attaque dont le bilan peut encore s'aggraver intervient à un moment délicat pour le Mali, qui s'enfonce dans une grave crise politique et alors que les acteurs internationaux divergent sur la question du maintien ou non de la mission de l'ONU (Minusma) dans le pays.