Nouvel espoir de pourparlers pour arrêter la guerre en Libye
Les deux dirigeants libyens, Fayez Al Sarraj
pour la Tripolitaine à l’ouest du pays et le maréchal Khalifa Haftar pour la
Cyrénaïque à l’est finiront-ils un jour par s’asseoir à une même table de
négociations ? Cette perspective demeure lointaine tant les deux ennemis
libyens n’ont jamais jusqu’ici discuté en face-à-face. Et les échecs
retentissants des dernières tentatives de pourparlers appellent à la prudence.
Toutefois, une nouvelle fenêtre d’opportunité vient de s’ouvrir.
Moscou et Ankara se partagent la Libye
La mission des Nations unies en Libye
(UNSMIL) s’est félicitée le 2 juin du fait que le gouvernement dit d’union
nationale (GNA) de Tripoli, d’un côté, et l’armée dite nationale libyenne (ANL)
fidèle au maréchal Haftar, de l’autre, ont accepté la reprise de pourparlers
dans le cadre de la commission mixte militaire 5+5 (CMM) proposée fin février.
Une première réunion par visioconférence s’est tenue entre l’émissaire par
intérim de l'ONU, l’Américaine Stephanie Williams, et les cinq membres de la
délégation loyale à Khalifa Haftar. Une réunion similaire avec la délégation du
GNA est prévue dans les jours à venir, a annoncé l’Onu. Le ballet des
discussions parallèles s’est à nouveau intensifié. Le 3 juin, Fayez al-Sarraj
était à Ankara. Dans le même temps son bras droit, le vice-premier ministre
Ahmed Maetig, atterrissait à Moscou, tandis que Khalifa Haftar se rendait au
Caire.
Les revenus du pétrole ont chuté de 97 %
La mission fait le vœu que ces discussions
coïncideront avec « un retour au calme et une trêve humanitaire afin
d’ouvrir la voie à un accord de cessez-le-feu durable ». Car la guerre, relancée par l’assaut
des troupes de l’est sur Tripoli en avril 2019, n’a cessé de s’intensifier ces
derniers mois, faisant des centaines de morts et plus de 200 000 déplacés. Le
pays est exsangue. En avril, les revenus du pétrole ont chuté de 97 % par
rapport à ceux d’avril 2019, passant de 1,4 milliard d’euros à 45 millions
d’euros, en raison de la fermeture et de la dégradation des sites pétroliers, a
alerté début juin la Noc, la compagnie nationale pétrolière.
Pour l’expert libyen Jalel Harchaoui,
chercheur à l’institut néerlandais de relations internationales Clingendael, il
faut voir la main de Moscou et d’Ankara dans ce possible retour aux discussions
politiques entre les deux pouvoirs rivaux. Pas mécontents de damer le pion aux
États occidentaux incapables d’une diplomatie cohérente pour régler le conflit.
Un soutien russe en fausse monnaie
Sans couper les ponts avec Tripoli, la Russie
n’a pas mégoté son soutien au maréchal Haftar, y compris en fausse monnaie
créée au profit de la banque centrale de Benghazi, à l’existence contestée. La
société russe Goznak aurait ainsi fabriqué des dinars libyens pour un
équivalent de plus de six milliards d’euros, avait estimé un rapport d’experts
de l’ONU en décembre dernier. Les autorités maltaises ont, de plus, annoncé le
26 mai avoir saisi des faux billets libyens pour un montant de près d’un
milliard d’euros.
De son côté la Turquie a « depuis six mois réalisé un sans-faute dans
son soutien massif au GNA qui a regagné des positions en Tripolitaine », relève Jalel Harchaoui. Le 3 juin encore, les
forces pro-GNA ont repris le contrôle de l’aéroport international de Tripoli
occupé par les forces rivales depuis un an.
Un partage tacite de la Libye entre la Russie
et la Turquie
« Il y a tout lieu de penser que Vladimir
Poutine et Recep Tayyip Erdogan ont passé un accord, le premier concédant la
Tripolitaine à la Turquie et gardant la Cyrénaïque », poursuit le
chercheur. Ce qui
explique les grandes manœuvres militaires de fin mai.
Tout d’abord, l’annonce le 25 mai par le GNA
du retrait des abords de Tripoli de très nombreux mercenaires – au moins 2 500
estime Jalel Harchaoui – employés par la compagnie russe Wagner, proche du
Kremlin, au profit des troupes d’Haftar. Ceux-ci sont repliés sur la base
militaire d’Al-Jafra au cœur du désert libyen. Là où ont également atterri une
dizaine d’avions de chasse Mig-29 de fabrication russe afin d’assurer à la
Russie une forte position défensive.