En Libye, la menace d’une suzeraineté régionale turco-russe
La guerre en Libye est en train de muer. Elle change de forme sous l’effet de l’implication croissante des Turcs et des Russes. Deux événements ont illustré cette reconfiguration du théâtre militaire, dont l’issue pourrait être l’internationalisation de la partition du pays entre une Tripolitaine (Ouest) « turquisée » et une Cyrénaïque (Est) « russifiée ».
Samedi 23 mai, plusieurs centaines de « mercenaires » de la compagnie de sécurité Wagner – proche de Moscou – ont quitté Tripoli vers l’oasis de Beni Oualid, située à 150 km au sud-est de la capitale, où les attendaient des avions Iliouchine assurant des rotations vers la base d’Al-Juffra, localisée à 350 km encore plus à l’est, au cœur du désert. Cette apparente retraite soldait une série de revers essuyés autour de Tripoli par le maréchal dissident Khalifa Haftar, au service duquel ces mercenaires combattent.
Un an après l’assaut déclenché par l’Armée nationale libyenne (ANL) d’Haftar contre le gouvernement d’« accord national » (GAN) de Faïez Sarraj, reconnu par les Nations unies, le conflit n’a cessé de s’enliser aux abords de la capitale, jusqu’à tourner en défaveur des forces assaillantes. La montée en puissance du soutien de la Turquie au GAN de Sarraj a endigué puis repoussé l’offensive du maréchal Haftar. Ce dernier est soutenu par une coalition de parrains étrangers (Russie, Emirats arabes unis, Egypte, Arabie saoudite) et a longtemps bénéficié de la bienveillance diplomatique de Paris.